Le 11 septembre passé, la présentation de la réforme de l’aide sociale par la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, a été applaudie, ovationnée et a même valu à l’oratrice une bise de François Legault ! Côté communautaire, les acteurs sociaux sont plutôt tombés de leur chaise devant cette modernisation à l’image du film Le jour de la marmotte, comme la qualifié Serge Petitclerc, porte-parole du collectif d’un Québec sans pauvreté, au micro du 15-18.

Tout un sujet que notre journaliste Simon Bolduc discute, au moment même d’écrire ces lignes, avec la ministre Rouleau, de passage à L’Itinéraire. Une entrevue à lire dans l’édition du 15 octobre.

Revenons à nos marmottes… La pression de réformer le régime d’aide sociale augmente à mesure que les crises se superposent : pandémie, main d’œuvre, inflation, logement. Mais le jour tant attendu du grand changement annoncé, la déception est franche ! Le nerf de la guerre est toujours à vif : les 807 $ du chèque d’aide sociale semblent gelés.

Sans avoir un doctorat en sciences économiques, j’ose avancer sans risque qu’avec 807 $ par mois pour seul filet de protection sociale, il n’est pas trop difficile de se retrouver à la rue ; surtout qu’il en coûte en moyenne 952* pour louer un appartement d’une chambre sur l’île de Montréal.

Avez-vous récemment pédalé le long de la piste cyclable de la rue Notre-Dame, bien à l’est de la traque ? Des tentes… Avez-vous jeté un coup d’œil respectueux derrière l’une des petites baraques abandonnées de certaines aires de jeux ces jours-ci ? Derrière l’une d’elles, condamnée depuis perpète et adjacente à quelques balançoires, vivait encore tout récemment, un homme, installé dans ce qui ressemble à un couloir formé entre le grillage d’un parc public et ledit bâtiment. Plus loin, allongée sur les marches fissurées d’une ancienne entrée du même parc, dormait une autre personne cachée de la circulation par une barrière d’herbes hautes.

La rue, ça coûte cher ! Aux humains qui la vivent et à l’État, comme le rappelle Simon Bolduc dans les pages d’actualité. Petite équation rapide : une personne en situation d’itinérance « coûte » en moyenne 72 521 $ par an** . Et, selon le dernier rapport du MESS, le gouvernement injecte 300 millions $ par an dans des programmes d’assistance sociale qui permettent à 350 000 bénéficiaires de survivre. Si ces personnes se retrouvaient dans la rue, il en coûterait 21 milliards de plus à l’État. Avons-nous là un choix de société à faire ?

Puis, sur les 350 000 bénéficiaires se distinguent 60 000 enfants. Ils se prévaudront de quoi, ces jeunes ? D’avoir une balançoire au centre de leur salon à aire ouverte ? (on comprendra l’humour de cette question). Parmi eux, certains se retrouveront avec leur père dans les mailles bienveillantes d’organismes tels que Les Maisons Oxygène. Des remparts à la rue pour des pères monoparentaux et vulnérables, qui ont à cœur leur paternité et l’avenir de leurs enfants. Un dossier à lire en page 14 de cette édition, rédigé par Jules Couturier.

* Rapport sur le marché locatif, SCHL, janvier 2024.
** État de situation et analyse d’impact des programmes de prévention et de lutte contre l’itinérance au Québec sur les municipalités, Appeco, septembre 2023.