En quête de sens
On dit que le travail c’est la santé, mais est-ce vrai ? Des études prouvent que les travailleurs sont en meilleure santé mentale, car le travail permet l’accessibilité à un revenu, créer des liens sociaux ainsi que développer des habiletés et l’estime de soi. Alors pourquoi près de 25% des Canadiens vivent-ils des problèmes de santé mentale au travail, tels que des troubles anxieux et la dépression ?
Lorsqu’il est question du travail, il s’agit de trouver un bon équilibre et ainsi éviter l’épuisement professionnel, autrement dit burn-out. Il s’agit également d’allier raison et motivation pour s’efforcer dans une quête de sens culminant dans une mission sociale. Que ce soit à travers le bénévolat ou un boulot rémunéré, s’y sentir valorisé constitue un élément essentiel pour être heureux. S’y engager socialement et travailler pour une cause qui nous tient à cœur contribuent intrinsèquement à notre qualité de vie.
Nos patrons, quand ils se soucient de la qualité de vie de leurs employés, se font qualifier de visionnaires. Malgré qu’ils s’efforcent à rendre l’entreprise rentable et concurrentielle, s’ils oublient de valoriser le capital humain, les congés de maladie bondiront. Un employé motivé, c’est un employé en santé qui affichera avec fierté son appartenance à l’organisation. L’humain représente-t-il la plus grande richesse d’un employeur?
Un sens pour se préserver
Le sens que l’on donne à son travail « engendre un sentiment de sécurité psychologique et de sérénité qui aide une personne à surmonter les difficultés inévitables dans son travail et à mieux gérer son stress », résume Estelle Morin qui dirige le Centre de recherche d’intervention sur le travail, l’efficacité organisationnelle et la santé en plus d’enseigner et de coordonner des cours de psychologie et de comportement organisationnel à HEC Montréal.
L’employeur se doit d’offrir un environnement sain favorisant l’apprentissage, la reconnaissance et les relations interpersonnelles. « (Le travail) a un sens quand il est fait dans un milieu qui se soucie de la justice, de l’équité et de la dignité des personnes », précise la chercheure.
Quel sens a le travail lorsqu’il devient automatisé? « Aujourd’hui, on engage les personnes pour qu’elles exécutent des schémas préprogrammés et on s’étonne après qu’elles soient malheureuses », intervient Estelle Morin. Près d’un emploi sur quatre est exposé à une automatisation de 50 % à 70 % des tâches, révèle une étude publiée en mai dernier par l’OCDE.
Pourquoi travailler ? Que ce soit pour se sécuriser, échanger avec son entourage ou avoir besoin de reconnaissance, le travail peut aussi permettre «de laisser une œuvre, une trace derrière soi, de participer à un mouvement général de création dans une perspective de vouloir léguer quelque chose comme s’il s’agissait d’un héritage », conclut Yves Chagnon, professeur en psychologie du travail à l’UQÀM.
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Travailleurs épuisés, pourquoi ?
Surplus de tâches et surcharge de travail, absentéisme, dépression, relations tendues entre collègues, stress, voilà quelques éléments qui sont propices à l’épuisement professionnel, aussi appelé burnout. Afin d’élucider ce mal de l’âme de plus en plus présent dans notre société, notre journaliste a rencontré Sophie Meunier, professeure en psychologie à l’UQÀM et psychologue, qui enseigne dans la section psychologie du travail et des organisations.
Trois critères définissent cet épuisement : le manque d’énergie et de motivation, la perte d’intérêt par rapport à son travail et de concentration, et enfin le sentiment d’être inefficace ou moins compétent dans l’accomplissement des tâches. Ce qui en résulte peut être caractérisé par de la fatigue émotionnelle, physique ou cognitive.
Est-ce la maladie du siècle ? « Probablement parce qu’elle est plus diagnostiquée et qu’on en parle plus aujourd’hui. On vit encore dans une société où les problèmes de santé mentale sont stigmatisés dans le milieu du travail », affirme-t-elle. Avec moins de sécurité d’emploi et plus de compétitivité, il est parfois difficile de forger sa place au travail. Et avec les réseaux sociaux, il n’est pas évident de garder une distance entre la vie au travail et la vie personnelle.
Et le sentiment de bonheur au travail ? Il résulte du sentiment de compétence, des relations interpersonnelles harmonieuses et du sentiment d’autonomie. Selon les travaux d’Isaac Getz, coauteur de Liberté & Cie et théoricien de « l’entreprise libérée », un salarié heureux serait deux fois moins malade, six fois moins absent, 55 % plus créatif et neuf fois plus loyal.
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Travailler, (sur)vivre ou s’interroger
« Un bon travail permet de satisfaire ses besoins psychologiques », estime Jacques Forest, qui porte plusieurs chapeaux dont celui de professeur à École des sciences de la gestion à l’UQÀM, celui de psychologue et enfin celui de conseiller en ressources humaines agréé. Ces besoins psychologiques et universels sont au nombre de trois : les besoins d’autonomie, d’appartenance et de compétence.
« Étonnamment, plus de 70 % des individus à qui on a demandé s’ils continueraient de travailler s’ils avaient suffisamment d’argent jusqu’à la fin de leurs jours ont répondu par l’affirmative. L’argent est donc important, mais pas indispensable pour expliquer les comportements et attitudes au travail », relate Jacques Forest.
Le salaire, forme de gratification, n’a aucun impact sur le niveau de bien-être puisqu’il ne peut acheter le bonheur. Et les récompenses ne semblent pas améliorer la productivité, car elles mènent souvent à de la concurrence malsaine ou à une iniquité entraînant la frustration.
Le travail est un lieu collectif de réalisation de soi et de construction identitaire fondé sur des accomplissements, affirme pour sa part Chantal Aurousseau, professeure en communication à l’UQÀM et intéressée au rapprochement entre les relations interpersonnelles ou la communication en milieu de travail et la santé. La rémunération est une réponse à un besoin de consommer voulu par l’état actuel de la société, poursuit-elle.
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