Aujourd’hui, 1er octobre, date de parution de cette édition de L’Itinéraire, c’est la Journée internationale des aînés (décrétée par l’ONU en 1991). Ils seront nombreux à marcher à Montréal, du parc Jeanne-Mance au parc La Fontaine, pour clamer leur besoin d’être entendus.
Sous le thème «Agir ensemble», l’équipe du mouvement HABITATS d’Un et un font mille organise pour une deuxième année une grande marche citoyenne. En rassemblant ainsi des gens de toutes les générations, ils marchent pour affirmer que c’est toute la société québécoise qui demande plus dest toute la société québécoise qui demande plus d’actions concrètes pour le «vieillir mieux ».
En Amérique du Nord, le Québec regroupe la plus grande proportion de personnes vieillissantes. Les aînés n’ont jamais été aussi nombreux; près de deux millions !
Pendant la COVID on a transféré à toute vitesse les aînés infectés par le virus dans les CHSLD. Bilan de l’opération, plus de 7000 morts. On a été profondément indignés. Enfin!
L’indignation est retombée. L’intérêt aussi. On a oublié, les gouvernements en premier, que la vieillesse devrait être « une simple étape de la vie », comme le rappelle Salomé Veillette de l’INRS-Études urbaines.
Et cette étape, les aînés voudraient la vivre avec un revenu décent, la possibilité de continuer à travailler s’ils le souhaitent, être soignés le plus longtemps possible à la maison et, si possible, y mourir entourés de leur famille. On est loin du compte.
Au Québec, la vieillesse est une épreuve, comme le dénoncent, année après année, les organismes qui travaillent auprès des aînés. Pas moins du quart d’entre eux habitent des logements trop chers, sans espoir de services et soins adéquats. Leur seul espoir: l’arrivée d’un pouvoir gris, comme il y a un pouvoir des syndicats ou un pouvoir des médecins.
Les partis ont écouté
Durant cette campagne électorale, la Coalition pour la dignité des aînés et la Table de concertation des organismes pour aînés de Montréal ont organisé chacune un débat avec les partis politiques ; la FADOQ (Fédération de l’âge d’or du Québec) en a même présenté deux.
Les politiciens ont été très attentifs. Tous savent que le tiers des 6 millions d’électeurs a 65 ans et plus ; et que 80% votent le jour des élections. De plus, ils contrôlent un millier d’organismes, allant du petit groupe de quartier à la FADOQ avec ses 500000 membres.
Les candidats se disent à l’écoute et promettent « Cette fois-ci est la bonne ». Une longue expérience des promesses électorales laisse les aînés sceptiques.
Des aînés passent aux actes
Les gardiens du lac
Il y a déjà 10 ans que Jane Meagher, 69 ans, s’implique auprès de la Fondation Massawippi fondée par Margot Heyerhoff. Depuis sa création, les «gardiens et gardiennes de la terre» ont travaillé à protéger plus de 1200 acres (900 terrains de football) autour du splendide lac du même nom situé en Estrie. Ce sont la Fondation (et sa Fiducie) qui en sont maintenant propriétaires. Dehors l’exploitation commerciale, et bienvenue à l’utilisation respectueuse de l’environnement (des sentiers y sont même aménagés pour accueillir la population, entre autres des groupes d’écoliers).
L’ancienne avocate retraitée du gouvernement a décidé de ne pas rester les bras croisés et de s’impliquer, comme membre du conseil d’administration et maintenant présidente, pour la protection de leur territoire. « C’est important pour moi, notre travail me tient à cœur » dit la dame qui a passé les étés de son enfance là-bas, puis qui est devenue résidente de North Hatley de manière permanente. Elle vante d’ailleurs les avantages de la vieillesse: « À la retraite c’est plus facile, on a plus de temps, plus d’expérience », ce qui induit aussi que le travail gagne en efficacité et permet de réaliser de grandes choses.
« Le problème qu’on veut éviter c’est que de nouvelles constructions détruisent notre territoire. Nous on veut le protéger tel quel, c’est pour ça qu’en étant propriétaire on évite tout ça. Et c’est pour cette raison que des gens acceptent de nous vendre leurs terres. » L’histoire de la Fondation a d’ailleurs débuté ainsi. Une femme de New York a offert un petit lot de cinq acres et demi, puis trois de ses voisins ont fait de même, protégeant 220 acres de plus. L’idée était née.
« Ce que nous espérons c’est que d’autres regroupements comme le nôtre continuent de nous appeler pour nous poser des questions et savoir comment c’est possible d’y arriver. On a ainsi l’impression d’élargir nos actions. »
« C’est qu’en pratique, le gouvernement quel que soit le parti, aime diviser pour régner », dit Jean Carette. Retraité de l’Université du Québec à Montréal depuis presque 20 ans, le professeur et auteur explique ainsi le fourmillement d’associations se portant à la défense des droits : «La mosaïque, elle est faite pour diviser. Actuellement le gouvernement achète le silence en investissant dans une panoplie de programmes, mais cela mène à une abondance d’organismes, souvent communautaires, qui se séparent les miettes du financement. »
D’où les demandes incessantes de ces organismes, surtout les petits, d’être financés à long terme, pour éviter d’avoir à demander année après année, au SACAIS (le Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales), de renouveler leur budget pour assurer leurs services, pourtant jugés essentiels durant la pandémie.
Le pouvoir gris
Les vieux politiciens se rappellent de l’année 1987 quand le fédéral et les provinces ont découvert pour la première fois le poids que pouvaient avoir les aînés.
C’est pourquoi les gouvernements craignent comme la peste un bloc uni d’aînés. Les plus avisés des politiciens ont remarqué que les aînés s’impliquent dans des associations, comités, regroupements, tables de concertation, coalitions, etc. Mais ce qui est plus significatif est la vitesse avec laquelle s’est formée, quelques mois après les 7000 morts de la COVID, une coalition impressionnante: la Coalition pour la dignité des aînés, qui regroupe six grands groupes d’aînés au Québec. Leurs 150000 membres, la majorité d’anciens syndiqués ont un seul but: s’attaquer sérieusement à tous les problèmes liés à la retraite et à la vieillesse.
M. Carette se rappelle les événements de 1987 où les aînés de partout au pays avaient manifesté à Ottawa contre l’augmentation des cotisations aux régimes de retraite: « Il a fallu que les aînés s’unissent, mais il y avait une réelle rage, aussi. » À la suite de ce cri du cœur, les gouvernements fédéral et provinciaux avaient apporté des réformes majeures aux Régimes de pensions.