Pavillons, c’est un point de rencontre 2.0 entre des auteurs et leur lectorat autour d’un format vieux comme le monde: le roman-feuilleton. C’est aussi un nouveau modèle qui «rompt» avec la chaîne classique d’édition de livres, créé par trois femmes de lettres. L’Itinéraire a rencontré Marie Lamarre, cofondatrice de la plateforme, accompagnée de l’auteure Sophie Voillot, pour en apprendre plus sur ce nouveau joueur du milieu de l’édition.
Noël marque l’anniversaire de la plateforme Pavillons, née en ligne le 25 mai dernier. Depuis son lancement, les médias s’intéressent à cette curiosité du milieu de l’édition, souvent comparée au Netflix ou Spotify de la littérature. Deux types de réservoirs culturels cependant très différents, à bien y regarder.
Pavillons «sort de terre»
Le milieu de l’édition est un village. C’est là que Myriam Comtois, Marie Lamarre et Annabelle Moreau se sont côtoyées sans savoir qu’elles entretenaient chacune une réflexion sur comment enrichir leur milieu professionnel. Puis, la pandémie est arrivée, et avec elle, les idées se sont exprimées jusqu’à faire naître le projet Pavillons.
L’idée de créer une plateforme numérique sur laquelle des auteur.e.s connu.e.s et moins connu.e.s, vendent en ligne leurs oeuvres est « né d’un article qui décrivait de nouveaux modèles de monétisation de la littérature et du journalisme », relate Marie Lamarre, également directrice littéraire indépendante.
Ce qui a particulièrement accroché l’œil de la cofondatrice, c’est qu’autour de ce modèle pouvait enfin exister une forme de revenus plus directs et réguliers des auteur.e.s. Un permanent point de bataille des artisans-créateurs qui ne gagnent en moyenne qu’un 10% du prix de vente de leurs livres lorsqu’ils passent dans la machine traditionnelle de l’édition. Pour Marie Lamarre dont la vision idyllique serait que tous les auteur.e.s de notoriété publique ou de la relève puissent vivre de leur art, c’est une décevante réalité.
Hors des sentiers battus
C’est là que le modèle d’affaires de Pavillons bifurque de celui des géants numériques. « On sait que les Netflix et Spotify offrent à peine trois sous à la fin du mois pour les droits d’auteurs. » Les initiatrices ont alors cherché à s’éloigner de cette anorexique rémunération en proposant aux lecteurs des abonnements par projet d’écriture. Un lecteur peut alors suivre un ou des projets d’auteur.e.s à la fois en s’y abonnant, et acheter leurs histoires.
Et les ambitions de Marie Lamarre et de ses collaboratrices ne s’arrêtent pas là: «Je refuse de penser que l’on ne peut pas vendre autant d’abonnements que de copies de livres.» Pour elle, tout est une question d’adaptation. « Il faut simplement changer les habitudes de lecture et toucher un autre public porté à lire sur son téléphone. » Un travail de longue haleine.
Pavillons évolue progressivement vers un gabarit hybride, réunissant le meilleur des deux mondes : l’instantanéité et l’accessibilité de la culture grâce au numérique et l’accompagnement éditorial des projets d’auteur.e.s grâce à l’expérience de direction littéraire des trois fondatrices et à une relation étroite entre elles et les écrivain.e.s.
« Une bonne histoire, ça fonctionne »
L’encadrement des projets d’écriture sur Pavillons garantit une grande liberté aux auteur.e.s. Mais l’histoire doit être bonne et se prêter au format de publication, le roman-feuilleton. « On n’ira pas publier un roman, découpé en 25 chapitres », explique Mme Lamarre. Pour le reste, « Une bonne histoire qui t’emporte, que tu as envie de suivre chaque deux semaines, ça fonctionne. » C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques du type de roman proposé: maintenir l’envie de découvrir le prochain épisode.
Si le roman-feuilleton, popularisé dans les années 1840, suscitait l’engouement du public du 19e siècle, certains lettrés le percevaient comme de la sous-littérature de médiocre qualité. Pourtant, ce sont de grands noms, aujourd’hui reconnus et toujours lus, qui publiaient il y a près de deux siècles ces épisodes populaires dans les journaux de l’époque: Guy de Maupassant, Émile Zola, Anatole France ou encore Alexandre Dumas, Jules Vallès… Qui irait aujourd’hui contester la qualité littéraire de ces écrivains ?
Pour Sophie Voillot, feuilletoniste de la plateforme, cette qualité est au rendez-vous sur Pavillons. « N’oublions pas que les textes remis ne sont jamais des premiers jets, rappelle-t-elle. Nous-mêmes, les auteur.e.s, on les travaille jusqu’à satisfaction. »
« Chaque texte est minutieusement révisé, ajoute Mme Lamarre. Et chaque projet est discuté et conceptualisé avec l’auteur. » Un travail d’édition différent de celui d’une maison classique qui exige de « retravailler les phrases, de peaufiner énormément ». Une tâche par ailleurs impossible dans le cas des romansfeuilletons, puisque l’« on ne connaît ni la suite ni la chute de l’histoire », complète la fondatrice.
Faire vivre les artistes
En novembre dernier, la plateforme proposait ainsi plus de 20 projets à lire, initiés par autant de plumes qui maintiennent le suspense de leur roman-feuilleton auprès d’environ 400 personnes. Des auteurs comme Patrick Sénécal, Martine Delvaux ou encore Marie-Sissi Labrèche, pour ne citer qu’eux, se prêtent aussi à cet exercice de style à un rythme de publication variant d’une à quatre fois par mois. Ils nous parlent de leur expérience…
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