BAnQ, c’est la Grande Bibliothèque, 10 sites d’Archives nationales du Québec et la Bibliothèque nationale. Une «bibitte à trois pattes» comme la surnomme affectueusement sa présidente et directrice générale Marie Grégoire. À la tête de la société d’État depuis neuf mois, cette femme, transparente, enjouée, accessible et dynamique ne possède pas l’avenir. On peut cependant affirmer qu’elle ne manque pas de vision.

Dans une entrevue accordée à L’Itinéraire, Marie Grégoire partage son travail, ses défis, ses rêves et sa perception de cette titanesque organisation tous publics, gratuite, qui se veut un pilier dans la vie des Québécois. Plus encore, c’est à Serge Bouchard qu’elle compare l’essence propre de BAnQ : « un trait d’union entre les cultures, entre le passé et aujourd’hui.»

Entrevue

J.P.-R.
Que représente Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) pour vous?

Mon dieu, tellement de choses ! Mais la plus essentielle c’est que BAnQ est une banque
de savoirs extraordinaire. C’est un lieu pour apprendre, par la culture. Un lieu à la fois physique et numérique. Et quand on additionne tous les piliers [la Grande Bibliothèque, la Bibliothèque nationale, les Archives nationales du Québec], BAnQ est une source incroyable pour comprendre le passé, se projeter dans l’avenir, comprendre le réel et développer une pensée critique.

K.B.
De manière générale, on a tendance à vous qualifier de communicatrice et de femme politique. On a l’impression, en lisant vos commentaires à ce propos, que ces titres sont finalement restrictifs et ont tendance à vous agacer. Comment vous, vous qualifiez-vous?

Je n’aime pas beaucoup les étiquettes. Je suis une personne multifonctions. Apprendre toute la vie, c’est quelque chose qui me mobilise et donc, j’essaie de me l’appliquer.

Je viens d’une famille d’entrepreneurs, j’ai vite appris les rudiments de la gestion. J’ai toujours dit qu’à 22 ans, j’avais plus de responsabilités dans une organisation que je n’en ai eu plus tard. Parce qu’évidemment, je m’occupais de tout un volet
du développement des affaires de l’entreprise familiale. Ce que j’aime, c’est creuser plusieurs facettes. On me demande en général de me qualifier par un mot, donc le mot communicatrice est sorti parce que oui, ça représente une partie de ma vie, mais j’ai aussi été entrepreneure,
et gestionnaire dans des grandes et petites organisations. Je suis donc l’addition d’expériences de vie.

R.P.
L’un des grands défis de BAnQ est le numérique. Concrètement, de quoi parle-t-on?

On parle de redéfinir l’expérience BAnQ et de mieux travailler ensemble. J’ai parlé de nos trois piliers, ça signifie s’assurer d’une transparence, d’une cohérence et d’un fil conducteur entre eux pour les gens qui viennent chez nous.

Le numérique nous permet ça.

On travaille également sur une nouvelle mouture de notre site internet qui va être lancée en septembre et dont le but est exactement cela : nous assurer d’une simplicité de navigation et d’interaction. Une plateforme plus conviviale aussi, parce qu’on a tellement de matériel qu’à un moment donné on pourrait s’y perdre.

L’autre élément porte sur la transformation numérique : revoir ces processus, ça prend des sous. On fait donc des représentations auprès du gouvernement québécois pour s’assurer d’avoir les moyens de nos objectifs.

Puis il faut prioriser. Quand on décide par exemple de la refonte de l’abonnement, il faut penser comment il se faisait avant, comment on va le faire maintenant. Ça demande de la formation aussi pour les gens qui le font parce que les processus changent. Dans cette perspective-là, il faut se donner le temps de bien prioriser, financer et structurer. Vous savez, des chantiers technologiques qui ont achoppé, comme le système Phénix [système de paye pour la fonction publique qui a connu son lot de ratés], ce n’est pas rare.

R.P.
Finalement, on connaît peu, voire pas, l’offre de services de BAnQ.

J’aime dire qu’il se passe toujours quelque chose à BAnQ, peu importe l’heure du jour ou de la nuit. On peut être
en ligne, sur place ou en région, parce que les Archives sont présentes en région, que ce soit sur la Côte-Nord, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, etc., si on s’ennuie, on a juste à aller à BAnQ.

Le but est donc de faire connaître la nouvelle plateforme quand elle sera livrée. Et malgré les
10 millions de visites annuelles, virtuelles, ou sur place, il y a aussi un grand travail à faire auprès de ceux qui ne nous connaissent pas. Certaines études montrent que quand les gens nous connaissent, ils apprécient nos services à 97 %. Donc, il faut travailler sur la notoriété de BAnQ et
à l’engagement des Québécois qui ne nous connaissent pas. Il faut qu’ils sachent que si la généalogie, la littérature bien sûr, l’histoire et l’entrepreneuriat les intéressent, il y a des ressources.

On a un travail à faire pour élargir notre public. L’utilisateur type a 55 ans et plus, est universitaire
et vit dans un grand centre. Mais ce qu’on veut, c’est démocratiser l’accès à BAnQ, ouvrir davantage. Dans le fond, c’est de dire : venez-vous-en ! Le magasin est ouvert.

K.B.
Parlant d’accessibilité. Que fait BAnQ pour les publics aux prises avec des problèmes de littératie numérique?

Il y a déjà des efforts faits: la scène du numérique, des ateliers d’accompagnement pour outiller les familles, dans le contexte de l’école à distance, par exemple. C’est un travail en continu, autant prépandémique que pendant la pandémie.

Un autre volet très important de l’accessibilité et pour lequel un comité d’usagers travaille fort, c’est qu’on a toute une section de la Grande Bibliothèque qui permet entre autres d’avoir accès à des documents en braille, à des documents avec de grands caractères, des livres audio, pour les personnes à mobilité réduite. L’accessibilité est une préoccupation constante pour laquelle il faut continuer de travailler, de développer des partenariats avec des organismes comme Communautique et d’autres groupes.