Depuis quelques mois, le Groupe L’Itinéraire mène un projet de mentorat où certains camelots donnent des conférences publiques. Résilience, valorisation de soi, sensibilisation à l’itinérance, à la santé mentale et à la toxicomanie : autant de thèmes abordés par nos camelots devant des auditoires de tous genres.
« Nos camelots sont aussi des entrepreneurs sociaux, explique Charles-Éric Lavery, chef du développement social à L’Itinéraire. Sortir du moule de l’itinérance, expliquer comment on en sort, entre autres sujets. Ça leur donne des ambitions pour aller plus loin dans leur démarche et cela aide à sensibiliser la population aux enjeux d’inclusion sociale. »
Le projet répond à la mission de l’organisme et mise sur l’influence des camelots plus expérimentés sur les nouveaux et les plus jeunes. « Puisque notre mission est l’inclusion sociale, on doit tout faire pour la travailler, la favoriser, estime M. Lavery. La personne qui arrive à L’Itinéraire nécessite un accompagnement très soutenu, puisqu’elle est en situation d’aide de dernier recours. Il lui faut une intervention rapide et bien faite, pour l’aider à sortir du cercle de l’itinérance. Et, bien que nos statistiques indiquent que beaucoup de camelots quittent avant six mois, ceux et celles qui restent au-delà de ce temps développent des compétences et réussissent leur démarche. »
Assurer la relève
Pour assurer la relève, L’Itinéraire mise sur le transfert des connaissances et la formation des nouveaux venus, jeunes et moins jeunes. L’idée du mentorat a germé depuis que la Great-West Life, la London Life et Canada-Vie se sont unis afin d’offrir un soutien financier à l’organisme, notamment en rémunérant les participants. La Great-West et la Fondation Marcelle et Jean Coutu ont d’ailleurs financé l’achat de matériel de formation et de dépliants, ainsi que le coût des titres de transport et des repas.
De façon concrète, les camelots plus expérimentés forment les nouveaux au savoir-être et au savoir-faire dans la vente du magazine. Sélectionnés pour leurs compétences et leur engagement, les mentors ont acquis une expertise en vente, en relations publiques, en gestion des ressources financières et, pour certains, en rédaction.
Avant l’instauration de ce programme de coaching, les camelots devaient développer leurs habiletés de vente sur le terrain, par essais et erreurs. Souvent, ils se décourageaient dès les premières tentatives de vente. Avec des techniques appropriées, un accompagnement et un support adéquats, ils ont de meilleures chances de persévérer.
Un sentiment d’appartenance
« Le mentorat a créé un sentiment d’appartenance auprès des mentorés, note M. Lavery. Ici, il y a un esprit de groupe ; les camelots se tiennent ensemble, et ça fait aussi partie de la mission d’empowerment de l’organisme. Par ailleurs, les mentorés ont l’occasion de s’exprimer, entre autres lors de conférences. En parlant de leur histoire en public, ils gagnent une meilleure estime de soi. De plus, ce qui leur fait plaisir, c’est de parler de leur parcours dans le magazine. »
Lors de la Semaine internationale des camelots du 5 au 11 février dernier, une centaine de visiteurs ont participé à la journée portes ouvertes. Ce sont les mentors et mentorés qui en ont assuré l’animation, raconte M. Lavery. « C’était vraiment cool ! C’était eux qui racontaient aux personnes présentes la mission de l’organisme et les activités. Ils étaient fiers de montrer leurs couleurs. Ils étaient très motivés à expliquer ce qui se fait à L’Itinéraire et comment ça change la vie des gens. Ils ont contribué à abattre des préjugés et idées reçues. Les camelots sont nos premiers porte-paroles. Leurs participation a été un grand succès. »
Des ambassadeurs de L’Itinéraire
Avant d’arriver à L’Itinéraire, Yvon Massicotte, aujourd’hui représentant des camelots, et membre du conseil d’administration, a vécu quatre ans dans la rue. Pour lui, le projet de mentorat est une très belle initiative. « À titre de mentors, on est les ambassadeurs de L’Itinéraire, clame-t-il. On forme les mentorés sur le terrain. On les conseille et on les encourage. Ils développent des techniques de vente. Comme ça, ils deviennent plus structurés. Je pense que c’est un projet qui doit être poursuivi. »
La camelot-mentor Jo Redwitch a participé quant à elle à L’École d’hiver de l’Institut du Nouveau Monde (INM), qui aborde la participation citoyenne des jeunes d’aujourd’hui. « J’ai aimé le contact avec les jeunes qui sont une source d’espoir et d’inspiration pour le futur. » Cette activité lui a fourni de nouvelles connaissances qu’elle a transmises à ses mentorés.
L’engagement des mentorés nécessite environ six heures par mois. Ils participent à des conférences, à des ateliers et font du bénévolat. Ils assistent à des sessions d’intégration, d’accompagnement ponctuel et des tables rondes sur la vente. On y discute aussi d’astuces de vente, de la façon de se présenter à la clientèle et de développer des liens avec elle. On parle de persévérance, de gestion de budget et d’objectifs de vente.
La complicité est de mise
Mentors et mentorés gagnent à se côtoyer. Pour Jo, la complicité est de mise. « En allant sur le spot de mon mentoré, Mostapha, je me suis rendu compte qu’il y a différents niveaux de confiance qui déterminent ce que nous sommes sur le terrain. En tout cas, ça nous a rapprochés. Pour mon autre mentorée, Annie, nous avons travaillé son style d’écriture et l’angle de ses sujets. C’était super enrichissant ! »
La journée portes ouvertes a permis à Annie, Saïd et Mostapha de développer leur leadership. « J’ai pris des initiatives et j’ai communiqué avec les gens, affirme Mostapha. J’ai beaucoup apprécié les conseils et suggestions de ma mentor Jo et j’ai aussi pu mieux la connaître. J’ai compris qu’en étant résiliant et persévérant, on atteint ses objectifs. J’ai appris à aller chercher les clients un peu plus efficacement, à ne pas être timide et à utiliser l’humour pour les convaincre. » Selon Jo, ses mentorés se sont investis à fond dans l’événement.
Yvon Massicotte, qui est le mentor de Jean-Claude, Isabelle et Saïd, possède une grande expérience dans la transmission de son savoir. « J’ai toujours été un ambassadeur du magazine bien avant d’être un mentor. Je me suis toujours impliqué dans la formation et fait beaucoup de conférences. J’étais habitué de vendre le magazine de sept à huit heures par jour, c’était très épuisant. J’ai toujours encouragé les camelots. Puisque ça fait 11 ans que je travaille pour L’Itinéraire, j’ai beaucoup d’influence et d’expérience pour conseiller les plus jeunes. »
Un pont entre les générations
Récemment, Yvon, Jo, et les mentorés Jean-Claude et Mostapha ont participé à deux conférences sur l’entreprenariat social. L’une d’elles a eu lieu au Collège Letendre à Laval, où beaucoup de jeunes ont manifesté leur intérêt en posant des questions.
« Le mentorat au sein de L’Itinéraire a d’abord favorisé une coopération intergénérationnelle, observe Mostapha. Il y a des camelots qui sont près de la retraite et il y a un échange entre les deux générations. C’est important, car ils transmettent leur savoir. »
« Le programme de mentorat doit se poursuivre, affirme M. Lavery. Les organismes sans but lucratif, les écoles secondaires, les universités et les entreprises qui souhaitent recevoir la visite des camelots-conférenciers, ne doivent pas hésiter à communiquer avec L’Itinéraire. Ils en retireront des bienfaits tout en contribuant à une bonne cause. »