Celui que le Québec a connu dans Rock et Belles Oreilles est maintenant à la barre d’une émission de radio diffusée au cœur de la nuit. Richard Z. Sirois vient de publier un livre sur l’histoire du rock, ou plutôt le rock à travers son histoire. Entrevue avec un insomniaque passionné.

 

La vie de Richard Z. Sirois avance en reculant dans le temps. Quand la pandémie a neutralisé la planète, l’ex-Bleu Poudre a tout vendu et est parti vivre en Gaspésie dans la maison familiale dont il a hérité. Vivant le deuil de son père depuis 2018, il écrit et publie sur ses réseaux sociaux un touchant texte en sa mémoire qui lui donnera la piqûre d’écrire. Ne sachant pas sur quoi écrire précisément, c’est un commentaire de son fils qui est venu chambouler la suite des choses : « Écris sur ce que tu aimes ».

« C’est complètement fou comment la vie peut basculer à cause d’une simple phrase Quand la pandémie est arrivée, j’habitais dans un condo à Saint-Jérôme, dit l’ex-humoriste. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé sans contrat. Le dernier de mes trois enfants est parti de la maison pour étudier à Sherbrooke. J’ai décidé de déménager à Matane en septembre 2020. C’est la maison où mon grand-père et mon père ont vécu. C’est la maison familiale depuis 100 ans. Je me suis installé là-bas et là, j’ai écouté quelque chose comme 400 épisodes de séries sur Netflix. Je n’avais aucun projet devant moi. Dans ma tête, ma carrière professionnelle était terminée. Je vais bientôt avoir 66 ans ».

Le besoin de briser son isolement est ce qui l’a poussé à écrire. Aux portes de la Gaspésie à l’aube de la saison hivernale, le passionné de musique s’est mis à écrire des chroniques sur son groupe Facebook, Le vinyle de l’insomniaque qu’il a créé à cet effet. Publiées chaque soir à minuit, elles ont réussi à mobiliser toute une communauté de mélomanes amateurs qui s’échangent souvenirs et découvertes. Au moment d’écrire ces lignes, on comptait presque 9 000 abonnés.

Les chroniques de Z. Sirois ont attiré l’attention du président du groupe Arsenal Média, Sylvain Chamberland, dont l’entreprise possède 18 stations de radio FM un peu partout au Québec. Il lui propose une émission de radio, de nuit, diffusée en fin de semaine entre 23h et 2h. Le futur animateur accepte sous deux conditions : « Je lui ai mentionné que je ne déménagerais pas à Montréal pour ça. Ma deuxième condition c’était d’avoir des tables tournantes. Ils ont équipé le studio de Matane pour que je fasse jouer uniquement des vinyles. » Le titre de l’émission, Les vinyles de A à Z, n’est pas sans rappeler Le rock de A à Z qu’il a animé à ses débuts, à la radio de CIBL à Montréal, en compagnie de Guy A. Lepage en 1981.

Oiseau de nuit

Revenu là où il a grandi, à Matane, Z Sirois remplit chaque vendredi et samedi soir sa caisse de lait de 33 tours et marche jusqu’à la station de radio quand la nuit tombe. La maison centenaire est à un jet de pierre du studio. « La nuit ici, c’est bien particulier. Je pars vers 22 h et je ne reviens jamais avant 3 h. J’ai besoin de 36 chansons, j’ai 40 vinyles, et c’est à 142 secondes à pied de chez nous, énumère-t-il J’aime ça parce que c’est déboussolant à chaque fois. Souvent je me dis : “ Voyons qu’est-ce que je fais là, le vent dans face en pleine tempête ”. On est direct sur le bord du fleuve, c’est spécial de se promener au milieu de la nuit avec mes disques », raconte-t-il.

D’aussi loin qu’il se souvienne, l’animateur de radio a toujours été un oiseau de nuit. « C’est la plus belle période, puisque personne ne te téléphone, personne ne t’écrit. Entre minuit et 3 h du matin, c’est les plus belles heures, c’est là que je suis productif. »

Si le couvre-feu a affecté l’ensemble des Québécois, il a été particulièrement difficile pour celui qui vit quand le soleil se couche. C’est cette contrainte qui l’a poussé à briser son isolement à travers ses chroniques musicales spontanées. « Les gens qui étaient debout me répondaient et on se parlait souvent jusqu’à 3-4 heures du matin, dit Richard Z. Sirois. Je me rendais compte que je brisais leur isolement aussi. J’ai fait ça pendant longtemps. Au bout de 60 chroniques, un éditeur m’a contacté avec l’idée d’en faire un livre, explique-t-il. Et c’était pour moi important de l’écrire dans le même esprit. Il a été entièrement écrit après minuit. »