Si elle était inconnue du public avant la pandémie, la Dre Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine, s’est imposée comme l’une des figures clés dans la lutte à la COVID-19 au Québec. Pédiatre, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste, on l’a entendue et vue presque quotidiennement dans les médias pour vulgariser la science. Bien que son mandat au Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) ait pris fin en juin dernier, elle se fait un devoir de nous aider à comprendre les décisions sanitaires.
Et ce, même si cela demande de courir entre les réunions ou de faire des entrevues devant l’hôpital, un 23 septembre, à quelques heures de l’annonce d’une loi spéciale interdisant les manifestations anti-vaccins devant les écoles et les hôpitaux. «La vulgarisation demande beaucoup de temps et une capacité à gérer le quotidien qui en demande déjà beaucoup. Mais il faut continuer à informer le grand public», croit celle qui est aussi professeure d’université. Même s’il faut passer une bonne partie du temps à se répéter ou à reformuler, car, pour qu’on «adhère aux demandes, il faut les comprendre».
La fracture sociale entre les «pour» et les «contre» inquiète l’experte. «Une marge de la société ne veut rien entendre. On n’a plus de canal de communication bien que nos propos soient relayés par des médias plus ou moins traditionnels.» Malgré tout, la Dre Quach croit qu’en répétant un peu différemment chaque fois le même message «quelque chose évolue».
Question d’éthique
S’il est vrai qu’on retrouve tout et son contraire en ligne, la Dre Quach suppose que l’on hérite des conséquences du confinement. Incapables de voyager, de travailler ou de sortir, plusieurs de ces personnes, y compris des scientifiques, ont véhiculé des faussetés par l’intermédiaire des réseaux sociaux. «Il y a des choses qu’on ne sait pas et d’autres qu’on peut avancer, mais de là à dire qu’on a une vérité absolue et à faire peur aux gens, je crois que c’est non-éthique d’un point de vue scientifique. Les gens n’aiment pas l’incertitude et aimeraient avoir des réponses toutes faites, mais il faut se rappeler qu’à l’époque, c’était un virus qui avait à peine deux mois.»
Quant aux vaccins, c’est vrai, ils sont arrivés rapidement, mais les études scientifiques et savoirs antérieurs étaient bel et bien existants. «Non, je ne peux pas vous dire quel sera l’impact de ces vaccins dans 10 ans, tout comme je ne peux pas vous dire l’impact d’un programme de vaccination quand on le commence à peine», martèle-t-elle. «Certains veulent être vaccinés au plus vite, sans attendre les homologations réglementaires habituelles et d’autres ont besoin de plus de temps. Quand on prend une décision, on ne peut pas plaire à tout le monde. On la prend avec des preuves scientifiques. Être transparent et systématique, c’est la seule chose qu’on puisse faire. Après, s’il y a des personnes qui ne sont pas contentes ou pas d’accord, honnêtement, moi j’ai donné », dit-elle d’un ton ferme et quelque peu las. Comme beaucoup d’autres professionnels de la santé, la Dre Caroline Quach semble exténuée par cette pandémie qu’elle qualifie «d’usante».
Urgences pédiatriques débordées
À la mi-septembre, la Dre Caroline Quach ne cachait pas appréhender le 15 octobre, cette date limite imposée par le gouvernement Legault pour que les travailleurs de la santé et des services sociaux se fassent entièrement vacciner, sous peine d’être suspendus sans solde ou de perdre leur droit d’exercer. Elle s’attendait, comme beaucoup d’autres, à des départs. «Il y a des personnes qui, même dans le réseau de la santé, ont décidé de quitter et de ne pas se faire vacciner. On risque d’être en situation de pénurie pour d’autres raisons graduelles, associées aux conditions de travail.»
À Sainte-Justine, il n’y a pas eu beaucoup de cas COVID. Le personnel a prêté main forte ailleurs dans le réseau. Et, faut-il le rappeler, la COVID, surtout en pédiatrie, n’est pas la seule infection de l’automne. «Ce qui met beaucoup de pression sur les lits, ce sont les autres virus respiratoires qui causent notamment des bronchiolites. Nos lits sont pleins. L’hôpital est plein alors qu’on est à peine au début de l’automne. C’est vraiment cela qui met de la pression sur le personnel, au-delà du fait qu’on en manque.»
Au moment de mettre sous presse, un nouveau service téléphonique destiné aux parents montréalais qui souhaitent consulter rapidement un médecin pour leur enfant malade venait d’être créé. Cette nouvelle ressource aurait pour but de désengorger les urgences des deux grands hôpitaux pédiatriques de la métropole.