Comme à chaque party de Noël, L’Itinéraire félicite ses participants qui s’investissent tout au long de l’année dans la rédaction des pages du magazine. Martine Lanctôt (journaliste et rédactrice en chef retraitée/Radio-Canada), Monique Proulx (écrivain), Miville Tremblay (ex-journaliste à La Presse et bénévole à L’Itinéraire) et André Raymond (journaliste-réalisateur/Radio-Canada, Second Regard ) se sont ainsi vus confier la difficile tâche de départager les rédacteurs de L’Itinéraire. Ils ont également eu la sympathique attention de leur adresser à chacun un petit mot.

 

 

MEILEUR MOT DE CAMELOT

Sylvain Pépin-Girard
Les seringues et les sites d’injection

1er septembre 2017

La fragilité de nos vies peut transformer le monde

Voilà ce que je retiens de la lecture de ce beau texte de Sylvain Pépin-Girard. Pour nous dire la nécessité d’instaurer des sites d’injection supervisée, il part de lui : son histoire, sa peur, sa peine, sa décision. Il nous les partage simplement, nous fait entrer dans l’intimité de son expérience de deuil. Puis il nous conduit un peu plus loin, nous invite à lever la tête pour regarder l’horizon. Il nous incite à devenir « sentinelle » avec lui (pour reprendre la si belle expression de Monique Proulx), au carrefour de l’essentiel, au-delà des luttes trop rationnelles ou trop émotives qui colorent souvent nos débats sociaux. En peu de mots, et surtout sans grande leçon, Sylvain nous rappelle qu’il y a une force étonnante dans l’authenticité : elle permet d’atteindre cette zone si hermétique des mentalités sociales pour faire avancer tout doucement notre monde vers une plus grande ouverture à l’autre. Bravo Sylvain pour l’audace de ton récit et pour ta confiance en tes lecteurs !

MEILLEURE CHRONIQUE LIBRE

Josée Cardinal
La lettre

1er mars 2017

La nouvelle est un art littéraire beaucoup plus exigeant qu’on le pense

Josée, dans ce court texte incisif, réussit l’exploit de camper un univers en quelques lignes, de cerner la couleur particulière du personnage principal, de créer une ligne dramatique qui constitue une sorte de mini-thriller nous tenant en haleine, et finalement, de nous asséner la chute de la nouvelle, tel un coup de théâtre. Tout est sobre et maîtrisé, dans ce récit : l’asphyxie psychologique de Huguette est rendue dans quelques traits, dans cette lettre qu’elle adresse en forme d’ultimatum à son mari. Elle attend fébrilement la réponse, nous attendons avec elle, elle imagine le lieu ou le moment où il recevra ce coup frontal, qui ne pourra qu’apporter une révolution dans leur couple. Mais le pire survient, sous forme d’un épilogue aussi amer qu’inattendu : son mari fait comme si la lettre n’avait jamais existé, et elle, anéantie, réalise que leur vie commune va bel et bien se poursuivre, inchangée… Un beau récit grinçant et puissant, évitant la facilité et les bons sentiments, à propos d’une femme ordinaire, engluée dans son enfer ordinaire…

MEILLEURE CHRONIQUE CULTURELLE

Jean-Guy Deslauriers
Le tatouage, laisser parler son corps

15 septembre 2017

La qualité de la recherche

Comment choisir parmi sept textes de grande qualité, mais si différents tant dans leur format que dans leur approche. Déchirant… j’ai ri et trouvé absolument savoureuse la description d’une dégustation de mets à base d’insectes, j’ai été captivée par les entrevues édifiantes de Hubert Reeves et Monique Proulx, la profondeur du texte à propos du film La petite fille aux allumettes m’a émue, la clarté du propos de la critique de théâtre m’a séduite, et comment ne pas souligner l’originalité de la chronique sur l’artiste Armand Vaillancourt. Mais puisqu’il fallait choisir… je décerne le prix à Jean-Guy Deslauriers pour son texte sur le tatouage intitulé Laisser parler son corps. J’ai fait ce choix notamment pour la qualité de la recherche. Le texte nous fait découvrir la signification du tatouage à travers l’histoire tout en s’attardant au présent et à la popularité du phénomène avec des exemples concrets, bien choisis, pour illustrer le propos. L’écriture est efficace, les descriptions bien menées, l’intérêt du sujet ne faiblit pas tout au long du texte. Le tatouage ne cesse de gagner en popularité, c’est un sujet important qui méritait d’être traité sans jugement moral pour comprendre le phénomène et les différentes valeurs qui y sont associées. Et c’est réussi. Bravo à Jean-Guy Deslauriers.

MEILLEUR ARTICLE SOCIÉTÉ


Jo Redwitch

Conversation avec un pédophile

15 avril 2017

Reportage audacieux sur un tabou

Conversation avec un pédophile. Le titre est accrocheur, mais rien n’est racoleur dans ce dossier percutant de Jo Redwitch, qui m’a troublé et fait réfléchir. Elle a su trouver le ton juste entre l’empathie et la distance critique, l’équilibre approprié entre l’émotion et l’information en abordant ce sujet qui suscite naturellement de très vives réactions, mais qui ne sont pas toujours éclairées par la connaissance des faits. Il fallait certes du courage pour s’attaquer à un tel sujet, mais aussi une recherche rigoureuse pour répondre à la question : « Les pédophiles sont-ils récupérables ? » Sa réponse est nuancée, bien documentée, exposant les thérapies offertes et leurs chances de succès. Dans le second article intitulé Agir avant qu’il ne soit trop tard, Jo Redwitch nous apprend que pour certains pédophiles, une détection précoce de leur attirance pour les enfants et des traitements appropriés peuvent stopper le passage à l’acte et ainsi empêcher que des vies ne soient ruinées par son horreur. Dans un style sobre et efficace, Jo Redwitch expose avec sensibilité le drame humain et offre une analyse raisonnée des faits, démontrant ainsi une belle maturité professionnelle. Du grand journalisme !