Les personnes habituées à lire cette chronique ont probablement remarqué que j’aime traiter d’enjeux politiques, de pauvreté, des travers de notre monde ou des problèmes sociaux. Bref, des sujets qui me passionnent et qui sont aussi à mes yeux au cœur de la mission d’un média hors norme comme L’Itinéraire. Tout en restant le plus possible collé à l’actualité, je ferai cette fois-ci exception en parlant d’un sujet plus léger, mais qui n’en demeure pas moins l’un des plus fédérateurs de la population québécoise: le rendement du Canadien en séries éliminatoires.
Au moment d’écrire ce texte, le Canadien a déjà surpris à peu près tout le Québec et s’apprête à amorcer sa série de troisième tour contre les Golden Knights de Las Vegas. C’est un des grands défis d’écrire pour une revue qui n’est publié qu’une fois tous les 15 jours. À cette heure, tous les espoirs me semblent encore permis. Mais au moment où vous lirez ce texte, soit nous serons tous — disons une bonne gang — au lendemain d’une grande déception, soit dans une improbable première grande finale en 28 ans!
C’est bien parce que c’est une année COVID
En temps normal, je n’aurais jamais écrit une chronique sur le hockey. Après tout, ce n’est pas comme si au Québec on manquait de radios ou de télés capables de consacrer 32 heures par jour au sujet ou de grands journaux trop heureux d’en faire quatre ou cinq cahiers spéciaux. Si vous lisez L’Itinéraire, j’aime penser que ce n’est pas pour lire l’opinion d’un autre ignare sportif de salon qui se prend pour un gérant d’estrade.
Si j’ai envie de parler hockey en fait, c’est qu’il s’agit à mon avis du premier signe concret et tangible en 15 mois d’un retour à la vie d’avant. Vers la fin du mois de mai, c’était mon anniversaire. Le vendredi 28 mai, c’était aussi la fin du couvre-feu, la mesure sanitaire avec laquelle j’ai eu le plus de mal à vivre.
Comme les deux événements avaient lieu à quelques jours d’intervalle, j’ai réuni quelques amis dans un parc près de chez moi. Dix secondes avant 21h30, il y a eu un pur moment de poésie comme on en vit peu dans une vie. Comme on le fait lorsqu’on défonce l’année, on a tous entonné le décompte : « Dix, neuf, huit, sept (…), un. Liberté ! »
L’insoutenable légèreté de la liberté
Comme bien des Québécois, je suis plus un partisan du Canadien qu’un vrai fan de hockey. Quand ils sont dans la course et encore plus durant les séries, je ne rate jamais une partie. Mais en cette année surréaliste, avec une saison écourtée et des matchs sans partisans, la chose ne m’a intéressé que sur le tard.
Je ne suis pas le seul. Les cotes d’écoute des premiers matchs montrent que même les plus grands mordus n’étaient pas au rendez-vous.
Ce n’est donc qu’avec l’impensable remontée du CH que le fidèle en moi est retourné à l’église. Et depuis, je n’en manque pas une minute. Même ma mère — qui est encore moins fan que moi — me texte ou m’appelle pour commenter chaque but ou chaque victoire, alors qu’elle s’endort en général au milieu de la deuxième période et qu’on est loin de se parler tous les deux jours !
Ça va bien aller
Au Québec, qu’on aime ou pas le hockey, quand le CH participe aux « séries minatoires » — pour parler en vrai gérant d’estrade — il est difficile de rester indifférent. Les fanions sur les autos, les médias qui disent « Le Canadien » plus souvent encore qu’on a entendu « COVID » depuis un an, les gens qui crient, festoient et se rassemblent, l’électricité dans l’air: on est tous et toutes un peu dans le coup.
En ce moment, j’ai bien l’impression de ne pas être le seul à engager des conversations enthousiastes ou même à vivre quelques moments de fébrilité ou d’excitation comme nous n’en avons pas eus depuis longtemps.
J’en entends même dire que si la série contre Vegas se rendait à six parties, elle aurait lieu à Montréal le jour de la Fête nationale ! J’imagine déjà l’euphorie en cas de triomphe ! Car, on va se le dire, je suis certain de ne pas être le seul à ne plus supporter l’arc-en-ciel à sept couleurs et le «ça va bien aller». J’aimerais bien le remplacer au moins pour quelques jours par le fanion du tricolore et le « on a gagné ! »
Je suis bien conscient de toutes les critiques forts pertinentes sur le sport professionnel — une business de riches et de machos qui détournent les masses des enjeux véritables — mais dans mon petit monde à moi, c’est la première fois en 15 mois que j’ai l’impression de revivre un peu la vie d’avant.
Alors pour cette fois, Go Habs Go !