Sur les espaces de stationnement au pied de la tour de Radio-Canada, couraient dans les années 50 des enfants, magasinaient des mères avec leur bambins, rentraient chez eux des ouvriers usés par leurs 10 heures de travail journalier. Puis en 1963, le Faubourg à m’lasse meurt… cédant sa place à un nouveau projet, cœur battant de la Cité des ondes : la Maison de Radio-Canada.
Dans les années 60-70, la tour de 23 étages était l’un des symboles du glorieux virage du Québec vers la modernisation et de la dynamisation de l’est de sa métropole. Près de 50 ans plus tard, le polygone de béton brun et ses 10 hectares de terrains vidés de ses employé.e.s, ravivent aussi le pénible souvenir de la démolition du Faubourg à m’lasse.
Un quartier au sort lié à celui de la société d’État, comme le constate Charles Fillion, directeur du Centre St-Pierre (CSP) qui a soufflé sa 50e bougie l’automne dernier. En compagnie de Guy Marchessault, cofondateur du CSP, et de Suzanne Leroux, qui y est employée depuis 1987, tous trois reviennent sur 50 ans d’histoire d’un quartier dont l’avenir est en cours de reconstruction.
Le Faubourg à m’lasse dans l’océan de la modernisation
En 1958, Radio-Canada est à la recherche d’un site où centraliser ses activités. En 1960, ce site est déterminé. Il sera situé à l’extrémité ouest du Faubourg « à m’lasse », quartier pauvre et manufacturier de Montréal, surnommé ainsi depuis 1880 à cause de l’odeur de mélasse qui émanait des quais de déchargement. Mais de 1960 à 1963, près de 5000 âmes sont sommées par la Ville de quitter leur lieu de vie, borné par les rues Dorchester (aujourd’hui René-Lévesque), Wolfe, Viger et Papineau. Sur les avis d’expulsion, le délai indiqué est de 60 jours.
Vider et raser des quartiers populaires montréalais au 20e siècle n’était qu’une étape souvent applaudie pour développer les infrastructures et les équipements de la métropole. En tout, ce sont 28 000 logements entre 1957 et 1974 qui ont été démolis à Montréal, relatait Gérard Beaudet, alors directeur de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal dans l’article Réinventer le « Faubourg à m’lasse » publié dans Le Devoir en 2008. Autant dire que les 678 logements, 12 épiceries, 13 restaurants, huit garages et la vingtaine d’usines disparus du Faubourg n’ont été qu’une goutte d’eau dans l’océan de la modernisation. Une goutte d’eau qui a engendré une vague de transformations sociales observées, accompagnées et soutenues par un nouveau joueur du paysage : Le Centre St-Pierre.
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