La pandémie de coronavirus affecte grandement la vie quotidienne des camelots des journaux de rue à travers le monde qui vivent souvent dans la rue ou dans des conditions précaires, rapporte le réseau de l’INSP (International Network of Street Papers).
Au moment d’écrire ces lignes, la grande majorité des journaux de rue ont suspendu l’impression de leur publication et ont cessé toute vente dans la rue. Seuls quelques-uns d’entre eux permettent à leurs camelots de vendre dans la rue. Mais ceux-ci affirment que les clients ne sont pas au rendez-vous.
La pandémie frappe durement tous les journaux de rue du monde et les organismes qui supportent les camelots, qui eux, sont les premiers à subir les contrecoups de la crise.
Par exemple, en Italie où le coronavirus a été particulièrement dévastateur, le journal de Milan, Scarp de’ tenis a été le premier parmi les journaux de rues à être perturbé. À la mi-mars, l’éditeur Stefano Lampertico écrivait : « L’impact du virus est terrible. Tous les services publics sont fermés. Le nombre de personnes malades augmente à chaque jour. Nous sommes dans la zone rouge. Nous ne pouvons pas sortir ou voyager. Nous devons tous rester à la maison. »
Le journal n’a pu réaliser aucune vente en mars et a dû se résoudre à ne pas publier en avril. Néanmoins le journal a pu amasser des fonds en ligne qu’il a distribués et répartis entre ses camelots. Aux dernières nouvelles, Scarp de’ tenis menait une campagne d’abonnements en ligne.
Fait à noter, il a fallu annuler le Sommet 2020 de l’INSP, qui rassemble des délégués (dont ceux de L’Itinéraire) de près d’une centaine de journaux de rue dans 35 pays du monde. Ce congrès annuel devait se tenir à Milan. C’est partie remise pour 2021 dans cette ville italienne.
Les plus vulnérables
Selon le journal britannique The Big Issue, les personnes qui vivent dans la rue – et c’est le cas de très nombreux camelots – n’ont pas toujours accès à des installations sanitaires et à des produits hygiéniques. Ils habitent souvent des abris de fortune où la prévention de la maladie s’avère extrêmement compliquée.
Aux États-Unis, les journaux de rue et leurs employés tentent de venir en aide aux personnes les plus vulnérables notamment, sur la côte Ouest, où la crise du logement est particulièrement sévère.
À San Francisco en Californie, l’éditeur Quiver Watts, du Street Sheet, assure qu’il déploie tous les moyens dont il dispose pour empêcher la transmission du virus. « Dans une ville qui compte plus de 1000 sans-abri, il est inacceptable que les autorités continuent à harceler les itinérants. »
« Devant la crise à laquelle nous faisons face, il faut un moratoire », affirme M. Watts. Faute d’avoir un domicile, « que pouvez-vous faire si vous ne pouvez pas rester à la maison ? »
« À la vitesse à laquelle il se répand, le virus défie la quarantaine. Nous sommes inquiets pour la population itinérante qui dépend des cuisines communautaires et des refuges. Nous sommes particulièrement inquiets pour notre personnel, nos vendeurs et nos clients qui échangent de l’argent comptant (potentiellement souillé). »
À Portland, en Oregon, le journal Street Roots encourage ses vendeurs et les aide à surmonter les obstacles que le virus pose. Lors d’une récente réunion, au moment de la publication de la dernière édition, le personnel a discuté avec les camelots de la façon de rester en santé et d’interagir avec les clients en cas de panique.
« Nous leur recommandons de se laver les mains chaque fois qu’ils touchent de l’argent, explique Kaia Sand, directrice de Street Roots. Nous les invitons à utiliser du désinfectant de façon ostentatoire afin d’être vus par leurs clients. »
À Athènes, en Grèce, le rédacteur en chef de Shedia, Chris Alefantis, informe : « Nous avons rapidement organisé une campagne d’abonnement pour les quatre prochains mois (la moitié des recettes sont distribuées proportionnellement à nos camelots). L’idée d’offrir un abonnement numérique pour une période de quatre mois est aussi dans nos cartons. »
Publier en ligne
En ces temps exceptionnels, des mesures exceptionnelles s’imposent. Ainsi la majorité des journaux de rue offrent des versions numériques de leurs éditions, soit gratuitement ou contre un don. Le magazine Megaphone à Vancouver vend son magazine en ligne pour la somme de 2 $, mais encourage les « pourboires », lesquels fonds sont répartis parmi leurs camelots. Les nombreux journaux allemands, dont BISS, Hinz&Kunzt, Asphalt et autres sont devenus virtuels le temps que la crise passe.
Aux États-Unis les campagnes de levées de fonds se multiplient. Le journal Real Change de Seattle compte sur l’appli de paiement Venmo pour permettre aux clients d’acheter à distance. Street Wise à Chicago a récolté 50 000 $ de dons à sa première journée de campagne de financement.
Enfin, grâce à la page Facebook réservée aux membres de l’INSP, les journaux de rue échangent trucs et conseils pour fonctionner pendant la pandémie.
Tous, sans exception, ont la santé et la survie de leurs camelots à coeur.