Sur une échelle de 1 à Gino Chouinard, je donne à ma santé mentale la note de 9, soit l’équivalent de celle d’une coach de vie en début de carrière.
La joie de vivre ne pousse pas dans les arbres. ça se cultive et s’entretient. Chaque jour, surtout en temps de pandémie, je fais des efforts pour garder le moral, car les risques que je pogne un down sont omniprésents.
Il faut trouver des astuces pour éviter de péter un plomb et finir en position fœtale dans son garde-manger en pensant qu’on est en train de faire son épicerie au Radio Shack. Et ça, je l’ai compris durant le premier confinement, quand mon chum a acheté des harmonicas pour les enfants. Deux enfants en bas âge qui jouent de cet instrument du diable, ça sonne comme une chanson de Yoko Ono blastée à plein volume dans des vieux speakers pétés.
Après plusieurs essais-erreur (faire des Sudokus toute nue, dessiner sur les murs avec mon sang, construire une statue grandeur nature du Doc Mailloux avec des biscuits pour chien), j’ai trouvé la solution à tous mes maux :
Just Dance, le jeu vidéo
Just Dance, c’est un jeu vidéo où on copie les mouvements de danseurs dans le but d’amasser un maximum de points, tout en perdant la totalité de sa dignité. En plus de jouer pour le plaisir, il est possible de se mesurer à des joueurs de tous les pays du monde dans le cadre de tournois en ligne. Fait amusant : je suis la meilleure Canadienne des tournois en ligne de Just Dance.
Ça a l’air niaiseux, mais ça paraît ben dans un CV, c’te belle information-là.
Depuis le premier confinement, je danse tel un ange suintant qui a manqué d’air à la naissance. Je danse, je sacre et je ne m’arrête que lorsque mon chum me menace de refaire sa vie avec une femme trop vieille pour danser.
Just Dance, c’est mon monde secret. Ma double vie. Dans ma vie normale, je suis Marie-Ève Saucier, la mère de 41 ans qui a une semi-job et un ventre tout sauf plat ; mais dans les tournois Just Dance, je suis SacDePisse, la danseuse au poids santé qui ne fait qu’une bouchée des adolescents en forme, d’un océan à l’autre, bébé.
Just Dance, c’est une communauté. J’ai des alliés et surtout, un ennemi: Fart Dust, un joueur intrigant des états-Unis dont j’ignore absolument tout, à part qu’il me bat toujours par un point. Quand il débarque dans un tournoi, je crie son nom comme si la maison était en feu. Mon chum et mes enfants courent me rejoindre pour me soutenir et surtout, assister à la confrontation SacDePisse VS Poussière de Pet. Peu de familles peuvent dire qu’elles ont solidifié leur union grâce à un gamer nommé Fart Dust.
Pour moi, Just Dance, c’est plus qu’un jeu. C’est mon échappatoire, la bouée de sauvetage qu’Ubisoft m’a lancée alors que je me noyais dans les vagues de la pandémie.
Tandis que le virus détruit ma carrière de scénariste, mon chum accumule les contrats en construction. J’en suis donc à mon deuxième confinement avec mes deux tout-petits. Pas besoin d’être un parent pour comprendre qu’on m’a tiré tout le jus que j’avais.
L’amour d’une mère est sans limites. Je me lancerais devant un autobus conduit par les Frères Tadros pour sauver la vie d’un de mes enfants. Mais ma patience en a, elle, des limites. Just Dance, c’est des p’tits moments à moi. C’est le chargeur de ma pile de parent. Je reprends mon énergie à coups de pas chassés et de twerk semi-assumé.
Sans Just Dance, le confinement aurait pu me faire mal virer. J’aurais pu passer mes journées à suivre des Karen sur TikTok en me coupant un toupet. J’aurais pu devenir conspirationniste, me partir une chaîne YouTube qui présente 197 vidéos de moi qui rote sur la même boîte de Cheerios ou, pire encore, j’aurais pu créer un podcast pour jaser de/avec mon vieux linge sale.
Mais j’ai choisi de devenir SacDePisse, la maman confinée qui danse sa vie avec toute la fougue, toute la joie et tout le ridicule du monde dans le cœur.
Non, la joie de vivre ne pousse pas dans les arbres. ça se cultive et s’entretient. La joie de vivre se trouve en nous, dans des endroits et dans des formes surprenantes. C’est une championne canadienne qui vous le dit.