Malgré la morosité due à la pandémie, les initiatives montrant la résilience sociale des entreprises, organismes et individus existent. Pris au dépourvu lors de la première vague en mars dernier, nous n’avons pas eu d’autre choix que de nous adapter et de composer avec cette nouvelle réalité. Pour beaucoup, on a construit l’avion en plein vol. L’incertitude et les perturbations ont causé la fermeture des locaux physiques des sociétés et d’organismes tout en donnant à chacun une ardoise vierge pour créer. Comme si finalement en temps de crise, notre tolérance au risque était plus accrue.
Mais au Québec comme ailleurs, on sent la lassitude et le besoin d’un retour à la normale alors que nous tentons de surfer tant bien que mal sur cette seconde vague. Pour cela, il nous paraissait essentiel de vous parler de projets prometteurs. Nous avons choisi quatre secteurs-clés correspondant à nos besoins les plus fondamentaux ; soit apprendre, se nourrir, se divertir et bouger. À défaut d’enjoliver notre nouvelle réalité sanitaire, ne serait-il pas osé, mais ô combien nécessaire, de se rappeler que nous construisons tous, collectivement et à notre propre niveau, des solutions ?
Se nourrir
La restauration est l’un des secteurs les plus éprouvés par la crise sanitaire. Plusieurs salles à manger, cuisines, bars, tavernes et brasseries ont dû ranger définitivement leurs outils de cuisine et rendre leur tablier. En mai 2020, un sondage de l’Association Restauration Québec indiquait que six restaurants sur dix ne tiendraient pas le coup si le confinement durait encore six mois. Sur les 1200 membres, 40 % des restaurateurs estimaient que rouvrir les salles à manger à 75 % de leur capacité était le seul moyen d’atteindre un seuil minimum de rentabilité en 2020.
Laurent Simon, professeur au département d’entrepreneuriat et d’innovation à HEC Montréal, croit que certaines innovations ne riment pas toujours avec réinvention complète. Il s’agirait bien plus une adaptation par défaut, d’un réflexe de survie menant à innover. Bien souvent, c’est l’urgence qui fait l’innovation. « On a vu un travail d’adaptation avec quelques initiatives originales montrant l’envie de rester en contact avec les clients. Ce contact est établi par la livraison directe, le menu à emporter ou le renforcement d’une visibilité sur les réseaux sociaux.
En période de crise, l’urgence est d’aller à l’essentiel comme le besoin de simplifier les menus pour qu’ils soient livrables, mais aussi de solidarité, marquant l’envie d’apprendre à parler d’une seule voix pour se faire reconnaitre et entendre. »
On est donc dans des modèles d’innovation où l’on se rend compte qu’utiliser autrement les ressources peut nous rendre plus forts et résilients. Pour exemple, les cuisines collectives d’Hochelaga-Maisonneuve ont mobilisé encore plus de solidarité avec leurs menus familiaux du type comfort food, développant ainsi la livraison à domicile à vélo ou une rencontre sécuritaire au marché solidaire pour sensibiliser encore plus sur les avantages de l’agriculture urbaine.
Pour l’amour de la cuisine
Quand nous lui avons parlé, Jean-François Archambault de la Tablée des Chefs était optimiste, même si nous étions à quelques heures du début des 28 jours d’octobre et d’une probable fermeture des salles à manger. Il planifiait la seconde phase des Cuisines solidaires, un projet qui a permis de préparer deux millions de repas distribués à des familles pendant le confinement. On parle aussi d’une façon d’éviter la perte des denrées alimentaires tout en donnant l’occasion à des cuisiniers d’expérience de remettre leur tablier en redonnant à la communauté. Leur formule était gagnante : en échange de 1 $, un repas était préparé et distribué à ceux dans le besoin.
Au total, 70 établissements se sont mobilisés pour produire 200 000 repas par semaine. Malgré les quelques embûches rencontrées en chemin, comme l’entreposage des repas et leur conservation à long terme, M. Archambault veut rester optimiste. « Oui, des centaines de personnes perdront leur emploi et cela prendra du temps avant que ça se replace. Mais, il faut anticiper les besoins et trouver un moyen de les encourager à soutenir les organismes durement éprouvés et sur qui repose notre filet social, tout en leur garantissant un revenu de base ou une mesure d’aide. » Et puis, comme il n’a cessé de le répéter : un cuisinier a fondamentalement envie de cuisiner.