Je ne suis pas prêt à dire que c’est vieux comme la Terre, mais chose certaine, ça ne date pas d’hier. L’origine de la bouffe de rue remonte à bien avant l’arrivée des camions de crème glacée.
La cabane à patates de la rue Principale
Permettez-moi un petit retour nostalgique en 1960, dans la fameuse ruelle abitibienne de mon enfance, où mes chums et moi nous écorchions les jambes et les bras dans nos jeux d’affrontements « des cowboys et des Indiens ». À l’angle de cette fameuse ruelle et de la rue Principale, bien avant les camions de cuisine de rue (les populaires food trucks), ma mère, jeune entrepreneure, allait connaître un franc succès avec sa cabane à patates. Ses hamburgers, ses hot-dogs pis ses patates frites allaient devenir un arrêt obligatoire de débauche gastronomique sur la rue Principale.
Encore très visibles des décennies plus tard, les fameuses cabanes à patates frites et ses roulottes motorisées aux couleurs vives et parfois funky demeurent aux quatre coins du Québec, principalement dans les petites villes et villages, aux abords des routes secondaires, pour le plus grand plaisir des voyageurs et des routiers.
Le chuck wagon
D’après le New York Times, les premiers camions de cuisine de rue ont fait leur apparition après la Seconde Guerre mondiale. Son ancêtre, la charrette en bois tirée par des chevaux, remonte à l’époque d’Abraham Lincoln et de la Guerre de Sécession. Le mérite de ce concept, Le chuck wagon, revient probablement à l’audace créative de Charles Goodnight (1836-1929), éleveur de bétail de l’Ouest américain. Peut-être frappé par un éclair de génie pendant son sommeil, le propriétaire de ranch utilise sa charrette pour transporter et approvisionner les cowboys et les colons en vivres et en équipements dans leurs déplacements, pendant la conquête de l’Ouest.
En 1872 à Providence au Rhode Island, Walter Scott va pousser l’audace un peu plus loin. Il se donne pour mission, aux commandes d’un wagon improvisé, de servir des œufs, du café, des sandwichs et de la tarte aux journalistes de nuit à l’emploi d’un média local. C’est un succès instantané qui se répand comme une traînée de poudre dans toute l’Amérique du Nord.
Aujourd’hui, l’Association des restaurateurs de rue du Québec (ARRQ) fondée en 2012 ne compte que moins d’une centaine de jeunes entrepreneurs aux diverses origines affichant avec fierté leurs mets aux saveurs de divers pays. Leur créativité nous émerveille et comble de satisfaction nos bedaines gourmandes. Ces jeunes foodtruckers sillonnent nos rues et nos villes comme des nomades, de festival en festival, d’événement en événement.
Avec l’été, vous êtes assurés de les apercevoir sur l’Esplanade du Stade olympique les fins de semaine 5, 6 et 7 juillet pour des préparations méditerranéennes et au Quai du Vieux-Port les 2, 3 et 4 août, pour un voyage culinaire en Amérique latine.
De la cuisine de rue, à quel prix?
J’y étais le 7 juin, pour goûter l’Asie, mais j’en ai aussi profité pour m’entretenir, même sous une forte pluie, avec certains des passionnés de cuisine de rue, qui demeuraient très optimistes malgré la météo.
Au-delà de la bonne bouffe, les coûts associés à cette foire culturelle sur l’Esplanade du Stade olympique sont énormes pour les propriétaires de food trucks, comme me l’explique le propriétaire de Gourmet Grill, Luc Munger (photo 1). Il semble falloir compter 2 900 $ pour un droit de passage de trois jours. Des frais qui varient selon les municipalités. Et ça, quand ces dernières autorisent l’installation de camions de cuisine de rue, comme me le précise Randy du Bangkok Food truck (photo 2).
À ces frais s’ajoutent le salaire des employés, l’épicerie, le carburant, les assurances et bien sûr les fameux permis d’exploitation. Les foodtruckers doivent également être prêts à faire face aux intempéries et aux divers pépins techniques. Katie de l’équipe de Greenbank BBQ (photo 3) peut en témoigner à la suite d’une panne de propane qui a tout paralysé pendant une bonne partie de la soirée.
Si à l’ARRQ la vice-présidente de l’association Gaëlle Cerf rêve du jour où ces activités seront reconnues comme activités culturelles, les quelques clients rencontrés, eux, sont unanimes ! Ils adorent les foires gastronomiques et s’entendent aussi pour dire que le menu pourrait être offert sous format dégustation. Une forme qui faciliterait la découverte d’un plus grand nombre de mets et permettrait d’encourager un plus grand nombre de marchands.
Après la pluie…
Autour de 19 h, la pluie cède sa place aux arcs-en-ciel, et les files d’attente se forment. La soirée est à la fête.
Alors, bonnes dégustations, bons festivals, bonnes découvertes et bien sûr, bon été à tous sous le signe de la diversité, du plaisir, du contentement, du ravissement et de l’allégresse.
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