Y’a fait chaud cet été. Et pas chaud « ah! c’est une belle température pour aller lire sur le balcon », mais chaud « ah! c’est une belle température pour perdre connaissance en étendant son linge sur la corde ».
Il y a quelques années, mon ex-copine voulait qu’on achète un air climatisé pour l’appartement, mais je résistais à l’idée. C’est polluant un air climatisé, ça prend beaucoup d’électricité et ça contribue à créer des îlots de chaleur. Ça me semblait une bien mauvaise idée de pousser l’air chaud dehors parce qu’on trouve qu’il fait trop chaud dehors.
C’est le serpent qui se mord la queue, en vente chez Rona.
Quelques matins à avoir besoin de pinces à barbecue pour décoller les draps trempés de mon torse suintant ont fini par me convaincre que j’étais une moins bonne personne que je pensais. Je n’ai plus de copine, mais j’ai toujours l’air climatisé, qui fonctionne à plein régime.
Je pense que c’est ça, gagner une séparation.
Alors j’ai passé la majeure partie de mon été à l’intérieur, les rideaux fermés pour pas trop réchauffer l’intérieur, à écouter la télé en mangeant des Mr Freeze. Bref, mon été n’a définitivement pas eu l’air d’une pub de bière où les gens font le party en chest à la plage. Mais ça ne me dérange pas tant pour être franc; je n’ai jamais aimé jouer dehors.
D’ailleurs, permettez-moi un petit aparté, mais, qui a 15 amis disponibles en tout temps pour aller à la plage boire des bières mexicaines et pour s’arroser avec des fusils à l’eau? J’ai de la misère à avoir trois amis disponibles en même temps pour prendre un verre au parc parce que tout le monde est en camping/voyage/pogné à travailler parce que y’a une pénurie de main-d’œuvre.
Même enfant, mes parents devaient me tordre un bras pour que je me pointe le bout du nez dehors. Déjà, ça commençait par l’application d’une épaisse couche de crème solaire gluante, qui me laissait le visage blanc et collant et qui me donnait l’impression d’être… vous savez quoi, je vais vous laisser compléter cette image vous-même. Y’a des enfants qui nous lisent.
Et rendu dehors, c’est comme si mon imagination débordante tombait en panne sèche. Quand je dessinais, je pouvais inventer les créatures les plus formidables: « Tu comprends pas, maman, c’est un poisson-démoniaque qui a fait équipe avec un savant fou qui lui a installé une batterie sur le dos qui électrocute les autres poissons dans l’eau. Ben non, il s’électrocute pas, il s’est fait installer des écailles en caoutchouc qui le protègent ».
Mais quand j’arrivais dehors, j’avais l’imagination d’une roche. Je ne savais pas à quoi jouer. «J’ai une balle, j’imagine que je pourrais la lancer. Et aller la chercher.» C’était comme jouer avec un chien, mais j’étais le chien.
La plupart du temps, je m’installais devant la fenêtre du salon, et je fixais ma mère dans les yeux avec un regard suppliant. Définitivement, j’étais un chiot dans une autre vie.
Un moment donné, à bout de nerfs de me voir jouer au Super Nintendo au lieu de profiter du beau soleil dehors, ma mère s’est mise devant la télévision et elle m’a ordonné d’aller jouer dehors.
J’ai lâché un soupir trahissant une lassitude étonnante pour un enfant de 6 ans, puis je suis allé m’asseoir sur le balcon. À un mètre de la porte d’entrée. Mon Game boy à la main.
Ma mère a compris à cet instant que je ne serais jamais un grand sportif, mais que je ferais sûrement un excellent débatteur.
Une tante dont la partie du cerveau qui contrôle l’humeur est pluggée directement sur Météo Média se plaignait récemment que c’était très pluvieux dans son coin de pays, et qu’elle n’avait rien à faire puisqu’elle ne pouvait pas sortir.
Je lui ai proposé de s’initier à des loisirs qui se pratiquent à l’intérieur, comme les jeux vidéo ou la couture, dépendamment d’à quel point elle se sentait jeune cette journée-là.
Mais c’était une journée pluvieuse, vous voyez, donc son humeur était au plus bas. Elle m’a répondu du tac au tac: « À mon âge, je suis à veille d’être pognée à l’intérieur pour un méchant long boutte, fait que j’en profite en attendant ».
Vraiment, la pluie ne lui va pas.
Ceci étant dit, même si je comprends son point, ça ne m’a pas beaucoup rejoint comme argument. Comme je l’ai établi au début de ce texte, je ne suis pas une si bonne personne que ça. Je risque de passer l’éternité dans un endroit où il fera très chaud.
Fait qu’aussi ben en profiter pour rester à l’intérieur à l’air clim, à manger des popsicles d’ici là.