La discrimination est bien présente dans le financement entre les refuges pour hommes et ceux dédiés aux femmes. Deux des plus importantes ressources pour femmes en situation d’itinérance et en difficulté au Québec dénoncent l’iniquité du financement. En effet, ces subventions couvrent à peine 9 % des coûts et services offerts aux femmes sans-abri du Pavillon Patricia Mackenzie (65 places) et Le Chaînon (66 places).
Leurs dirigeantes, qui se disent « offusquées », souhaitent que l’État finance 50 % de leurs activités, comme c’est pourtant le cas pour les principaux refuges masculins de Montréal (Mission Old Brewery, l’Accueil Bonneau et la Mission Bon Accueil). Ces services fournissent les nécessités de la vie comme un endroit sûr où dormir, une douche et des repas chauds.
« Il est question d’iniquité flagrante et historique, s’interroge Marcèle Lamarche, directrice générale de l’Association d’entraide Le Chaînon.Comment peut-on être si présent et reconnu dans la communauté et être aussi invisible pour le gouvernement ? »
« Nos organisations ne fonctionnent pas à la vapeur de notre bon cœur et de nos nobles sentiments, indique Florence Portes, directrice des services aux femmes au Pavillon Patricia Mackenzie (PPM). Nous payons des salaires, des loyers, des repas et nous devons maintenir des lieux d’accueil aussi dignes que possible. »
Un appui qui laisse à désirer
À plusieurs égards, leur situation commune est un peu différente de celles de leurs autres partenaires qui bénéficient d’un appui plus solide. « Chaque année, Le Chaînon et le Pavillon Patricia Mackenzie débutent leur exercice avec le défi de réunir plus de 90 % de nos frais d’opération », s’inquiète Mme Portes.
« Ce qui n’est pas acceptable, c’est que ce sont des entreprises privées ainsi que des citoyens ordinaires qui, par leurs contributions, font tourner une organisation comme la nôtre. Il serait grand temps que notre crédibilité, que nous avons eue auprès des donateurs privés, soit reconnue par le gouvernement », révèle Mme Portes, qui espère financer notamment les suivis psychosociaux, référer des femmes en psychiatrie ou en gérontologie, et assurer la consultation et le soutien pour des logements sociaux.
Pied d’égalité avec les messieurs
Les refuges pour hommes, qui détiennent 24 % des places, obtiennent 23 % du financement, « ce qui est équitable, selon Mme Lamarche. Alors que nous, nous avons 9 % des places avec toutefois seulement 2 % du financement. Il y a une grande différence ! »
En juin dernier, une enveloppe budgétaire de 10 millions $ avait été octroyée pour la lutte à l’itinérance. « Nous nous sommes naturellement dit que l’heure avait sonné, espérait Mme Portes. Le PPM a reçu un montant supplémentaire de 20 000 $ et Le Chaînon absolument rien du tout. C’est évidemment des miettes. Ce n’est pas acceptable. Nous ne demandons pas l’aumône, seulement d’être sur un pied d’égalité avec les messieurs ».
Au huitième sous-sol
Mmes Lamarche et Portes espèrent délier les cordons de la bourse du gouvernement; elles veulent un million de dollars récurrents destinés à chacun de leurs refuges pour femmes. « Selon le nombre de places et le seuil plancher établi en 2016 par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, les neuf premières places sont en droit d’obtenir 400 000 $, et les places additionnelles, 15 000 $. Alors vous pouvez comprendre que nous nous situons au huitième sous-sol ! Ce qu’on a recueilli, c’est un fond de tiroir de 300 000 $, chacune de nos organisations ont eu 112 000 $. On a monté d’un étage, mais encore du huitième sous-sol. »
Alors que les refuges pour itinérants masculins reçoivent 100 $ de subvention par lit, ceux pour les femmes sans-abri recueillent à peine 8 $, précisent les deux dirigeantes qui crient à l’injustice.
Le Chaînon et le Pavillon Patricia Mackenzie ont accueilli plus de 600 femmes l’an dernier. « Il est loin le temps des bols de soupe et des gîtes, soutient Mme Portes. Nous sommes déterminées et même entêtées. Depuis plusieurs années, Marcèle et moi allons cogner aux portes, nous remplissons des formulaires, nous serrons des mains, nous sollicitons des donateurs en demandant aux fondations, en approchant les entreprises. C’est un travail difficile. Nous essayons de faire entendre notre voix, mais nous n’avons jamais obtenu réparation. Le gouvernement du Québec ne nous entend pas et il ne comprend pas l’urgence d’intervenir. »