En 2021, il est impossible d’ouvrir un journal sans qu’on ne parle de phénomènes météorologiques inédits. Récemment, le quotidien britannique The Guardian rapportait que plus de 500 personnes en Égypte ont dû être hospitalisées après avoir été piquées par des scorpions venimeux, expulsés de leurs cachettes par des pluies torrentielles rares. Au Mali, le lac Faguibine a été presque entièrement avalé par le désert, menaçant les terres agricoles dont dépend la population.
En Colombie-Britannique, une portion de la route Coquihalla, l’axe principal qui relie le Grand Vancouver à l’intérieur de la province vers l’Alberta, a été emportée par les eaux. Plusieurs municipalités, dont la ville d’Abbotsford, près de Vancouver, ont été coupées du reste de la province.
Plus près de chez nous, la petite municipalité de Dunham, en Estrie, doit composer avec une pénurie d’eau sans précédent. « Cet été, une maison sur deux manquait d’eau », a relaté le maire Pierre Janecek au Sherbrooke Record. Pour faire boire leurs animaux, plusieurs agriculteurs de la région devaient faire livrer de l’eau par camion, leurs puits étant à sec.
Ces événements ne sont pas isolés. Selon un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en août dernier, des événements météorologiques extrêmes sont en passe de devenir la nouvelle normalité. Les changements climatiques sont déjà « répandus, rapides et de plus en plus intenses », préviennent les experts. La température moyenne globale pourrait augmenter de 4 0 C par rapport aux niveauxpréindustriels, d’ici 2100, sans qu’il y ait une réduction significative de gaz à effet de serre (GES).
Un monde plus chaud de 4 degrés entraînerait des conséquences catastrophiques en matière de sécheresse et de la hausse des niveaux de mer. Même avec un réchauffement de 1,5 degré — le scénario le plus optimiste et celui visé par l’Accord de Paris de 2016 — cela entraînerait des vagues de chaleur plus longues et plus intenses.
Selon des analyses du Climate Action Tracker, un consortium international de groupes de recherche, même si tous les engagements des pays participants à la COP26 sont respectés, une augmentation de la température globale moyenne de 2,4 0 C est à prévoir. « Ce serait beau- coup trop. Il y aurait probablement des millions de morts », prévient Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.
Il n’est pas le seul à s’inquiéter des conséquences des changements climatiques sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié les changements climatiques comme étant la plus grande menace pour la santé. Selon l’OMS, les événements météorologiques extrêmes et la perturbation des systèmes agricoles (et donc alimentaires) nuisent déjà à la santé de millions de personnes. Les riverains du lac Faguibine ne seraient sans doute pas en désaccord.
La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, une médecin de famille qui a fondé l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, souligne l’urgence de la situation qu’elle définit comme une deuxième crise sanitaire en parallèle au coronavirus. « Il y a des personnes qui souffrent directement des changements climatiques, car le climat affecte tous les facteurs qui déterminent la santé — l’accès à l’alimentation, la sécurité économique, la qualité de l’eau, la qualité de l’air. Tous les piliers d’une vie saine sont menacés. »
Au chevet de la terre
En novembre, plus de 25000 délégués de 200 pays, y compris une centaine de chefs d’État, se sont réunis à Glasgow, en Écosse, dans le cadre de la COP26. Patrick Bonin explique que ce sommet annuel visait à en arriver à une entente mondiale qui maintiendrait le réchauffement de la température moyenne en dessous de 1,5 0 C par rapport aux niveaux préindustriels. Le sommet avait aussi pour but de soutenir les communautés les plus vulné- rables et d’en arriver à une entente de réduire les émissions globales de GES de façon significative d’ici 2030. « Il faut s’assurer que les pays planifient des objectifs de plus en plus ambitieux, tant et aussi longtemps qu’on n’arrive pas à réduire l’écart entre ce que la science nous demande de faire — limiter le réchauffement à 1,5 0 C — et la trajectoire actuelle », a-t-il observé avant la fin du sommet.
L’accord a connu quelques modestes succès, selon des analystes. Les pays participants se sont engagés à revoir annuellement, plutôt qu’aux cinq ans, leurs objectifs de réduction de GES, de réduire graduellement l’utilisation du charbon ; et de fournir 100 milliards $ par année sur cinq ans en financement pour l’adaptation climatique et les projets de mitigation des émissions des pays en voie de développement.
Or, Patrick Bonin considère que plusieurs des annonces faites dans le cadre de la conférence sont trop faibles pour respecter l’objectif.
Pour la militante suédoise Greta Thunberg, la conférence c’est du «blabla» qui ne mènera pas aux actions nécessaires. « L’ histoire jugera sévèrement nos dirigeants », a-t-elle déclaré dans une manifestation citoyenne à Glasgow devant plusieurs milliers de militants d’un peu partout dans le monde.
Le président de la COP26, député et ancien ministre d’État britannique Alok Sharma, n’était guère plus optimiste que les jeunes militants. « Nous avons gardé en vie l’objectif de 1,5 degrés, mais son pouls est faible, et il survivra seulement si on agit rapidement sur nos engagements », a-t-il déclaré.