Voilà quelques mois, on apprenait par le directeur général de L’Itinéraire qu’on allait à nouveau avoir des ateliers de la Ligue Nationale d’Improvisation (LNI). C’est plus que des cours, on apprend carrément à devenir acteur. En 2024, on fera quatre représentations sur quatre jours d’affilée. Pour nous préparer avant la représentation finale, nous aurons une séance de lecture de texte devant public. Les réactions des spectateurs vont nous aider à nous améliorer pour le vrai show. On est six de L’Itinéraire à participer.
Les ateliers ont commencé depuis déjà cinq mois. Les premières semaines, on nous a appris des exercices de prononciation et de respiration. On nous a montré comment faire des sketchs d’impro en lien avec les thèmes qu’on abordera en spectacle. Ces thèmes, on les a choisis en groupe, au début. Maintenant, il faut les développer en sous-thèmes. Par exemple, si le thème principal est l’abandon, les sous-thèmes peuvent être: une rupture de couple ou un changement de vie. Comme un sans-abri qui trouve un refuge et qui opère des changements radicaux.
« On peut jouer une personne qui pleure, mais on ne peut pas pleurer parce que le public pleure. On apprend comment dealer avec nos émotions, surtout quand ça vient nous chercher, et à mettre nos limites. »
– Sylvain Pépin-Girard
À tour de rôle, on a toutes et tous expliqué les thèmes qu’on voulait, ou non, aborder. Notre prof les a tous inscrits au tableau et après, on a voté à main levée pour choisir ceux qu’on était à l’aise d’explorer. On a beaucoup parlé de notre passé. En écoutant chaque témoignage, ça nous a permis de trouver les thèmes justes. Il fallait être ouvert d’esprit, car le thème qu’on voulait individuellement n’était pas nécessairement choisi par le groupe.
Je me souviens qu’aux deux premiers cours, on a parlé beaucoup. On a juste fait ça, parler. On a appris à se connaître, à connaître aussi nos habiletés, nos fragilités, nos vies passées. La plupart d’entre nous avons la rue comme sujet de discussion. Ça peut être lourd, mais c’est ce qu’on a en commun. On a donc choisi de créer un show de sensibilisation qui raconterait la vie de tous les jours des personnes sans-abri. Mettons qu’on ne vous racontera pas des histoires de princes et de princesses.
On a développé beaucoup de sous-thèmes liés à l’itinérance. C’est normal, c’est ce qu’on connaît le mieux. Par exemple, quand il n’y a plus de place dans les refuges, quoi faire, où aller? On veut faire réagir les gens de la bonne façon. Dans les sujets qu’on aborde, les gens peuvent être mal à l’aise. Et c’est normal, même nous on peut le devenir! Mais c’est important, car provoquer des émotions, c’est ça qui crée des rassemblements et des sujets de discussion en dehors du spectacle. La plupart des spectateurs se souviendront des émotions vécues par les thèmes abordés. Déjà, quand les gens payent pour venir voir le spectacle, ça prouve qu’ils sont intéressés et curieux. Je vous rassure, il va y en avoir pour tous les goûts.
Il faut beaucoup se reconnecter à nos émotions passées pour réussir à les exprimer. Sinon, il faut les vivre en se plongeant dans la peau d’un personnage. Parfois, on veut jouer notre rôle ou celui de quelqu’un d’autre, ou une autre personne peut jouer notre rôle. Si les émotions sont trop intenses, on peut le dire à la narratrice (celle qui écrit le texte). Ça évite de ressentir des mauvaises sensations et ça nous permet de prendre un certain recul. C’est bon d’être dans l’émotion, mais si le public réagit, ça pourrait nous déstabi – liser, peut-être même jusqu’à pleurer.
On peut jouer une personne qui pleure, mais on ne peut pas pleurer parce que le public pleure. On apprend comment dealer avec nos émotions, surtout quand ça vient nous chercher, et à mettre nos limites. Si ça vient trop nous chercher, on peut perdre le fil facilement. Si on perd le fil, il faut se remettre très rapidement dans le personnage. Ayayaye.
Cette expérience m’apprend à contrôler mes émotions et à en connaître d’autres que je n’avais jamais ressenties. Elles peuvent être bonnes ou négatives. Elles peuvent être temporaires ou plus longues. Ça m’a permis aussi de mettre de l’argent de côté (on est payés aux deux semaines).
Ça m’a permis récemment d’acheter des fleurs à ma mère qui filait mal. Depuis que je suis les ateliers, je me sens plus ouvert à la détresse des gens. Ça développe chez moi de la compassion et de la reconnaissance. Peut-être que ça aura le même effet pour vous lorsque vous viendrez nous voir.