Depuis quelque temps, j’ai renoué avec le transport en commun ; le combo bus-métro. Est-ce pour économiser du temps ? Absolument pas. Pour la belle chaleur du métro ? Non plus, je ne la supporte pas. Ce n’est sûrement pas pour le vivre-ensemble. En regardant autour de moi je m’aperçois rapidement que les concitoyens qui m’entourent font tous semblant de ne pas être là, tous aussi occupés les uns comme les autres à regarder leur bidule électronique. Alors, pourquoi ne pas faire pareil ? Rattrapons-nous dans le travail, prenons ce moment pour nous, pour être dans notre petite bulle.
Le 14 février, c’est la Saint-Valentin, la journée du chocolat fancy. Je suis interpellé par l’article de Marie-Ève Fournier dans La Presse+ : le prix du cacao est en baisse, mais pas celui du chocolat. L’impact social de cette gâterie est grandissant. Le prix du bonheur, du plaisir gastronomique a sa cote même en bourse. Le chocolat c’est du business. Donner pour aider son prochain, faire de la philanthropie c’est aussi du business. Oups ! Note à moi-même : ne pas oublier d’acheter pour la famille trois cannes de chocolat à fondue au gros prix. Dépenser pour me faire plaisir et faire plaisir à ceux que j’aime est mon impact social instantané. Un peu plus pauvre, mais heureux. Dans le fond, à qui cela profite-t-il réellement ?
Quels impacts ?
L’impact social est une phrase de plus en plus à la mode dans le merveilleux monde du « quêteux à cravate ». Il y a aussi l’indicateur de rentabilité sociale et l’indicateur d’impact économique, des termes qui permettent à un organisme de mesurer de manière quantitative ses actions communautaires. C’est intéressant et valorisant, mais cela consomme beaucoup de temps, d’énergie et surtout des ressources économiques au détriment de la clientèle et de la mission de l’organisme.
Il semble que nous n’avons plus le choix. Le renouveau du milieu des affaires exige de plus en plus aux organismes de chiffrer et de quantifier l’impact d’un don. Le goût de donner, le vrai mécénat, a disparu. Pascal Duquette, directeur de la Fondation HEC, a mentionné en prologue lors de la conférence La philanthropie et impact social un nouveau modèle d’affaires, le 13 février dernier : « On parle désormais de développement des affaires plutôt que de dons. Les entreprises veulent nous faire un don en échange de relations d’affaires. Lorsque nous rencontrons une organisation, nous cherchons comment l’aider à remplir ses objectifs d’affaires à travers la philanthropie ».
Ouais ! Suis-je rendu trop vintage ? Mes valeurs de la relation humaine viennent de prendre une sérieuse débarque. Maintenant, la donation doit être profitable et rentable pour qui exactement ? Rentable pour ceux qui font un don ? Pour l’organisme ? Ou pour ceux à qui nous venons en aide ? Sommes-nous rendus à faire du « philanthrocapitalisme » ?
L’unique motif de voyager en bus-métro est que j’ai l’occasion d’échanger avec nos camelots. Ayant dernièrement accepté la direction générale du Groupe communautaire L’Itinéraire, je me suis dit : pourquoi ne pas continuer à entretenir la mode du vintage ? Alors, j’ai décidé dès le début de me faire plaisir, de travailler avec et pour des humains. Cela peut sembler aller de soi, mais ce contact enrichit ma vie quotidiennement et nous sommes deux à bénéficier de ces rencontres impromptues. Essayez-le. Seulement une conversation de quelques minutes. Trop long pour vous ? Alors, essayez un sourire. Vous serez témoin de l’effet amplificateur de votre geste.
Combien vaut le sourire des camelots que je croise chaque jour sur mon parcours ? Comme on dit c’est priceless ou « d’une valeur inestimable ». Eh bien, suis-je en train de quantifier mon impact ? Mon indicateur de rentabilité sociale augmente-t-il ?
Je terminerai candidement par cette citation de l’Abbé Pierre : « Un sourire coûte moins cher que l’électricité, mais donne autant de lumière. »
Cet article intégral vous est offert gracieusement par L’Itinéraire.
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