« C’est exactement ça que je ne veux pas voir. On dribble, on dribble, on dribble sans aucun objectif »
Joel Casseus est plus qu’un coach de basket. Il est entraîneur certifié par l’organisme Pour 3 Points (P3P) qui forme des coaches dont le rôle va bien au-delà du sport. Portrait d’un «grand frère» exigeant, sur le terrain comme dans la vie.
« À quoi ça sert de dribbler? À créer une opportunité de foncer au panier et de tromper la défense, lance Joel Casseus à ses joueurs. Si tu ne sais pas quoi faire avec le ballon, fais une passe. La dernière chose qu’on veut, c’est faire du surplace. Est-ce que vous m’avez compris? »
– « Oui coach! »
La pratique tire à sa fin et l’équipe de niveau benjamin (14 ans et moins) de l’école secondaire Académie Dunton se rassemble devant leur coach pour écouter ce qui pourrait aussi être des principes de vie: créer ses opportunités, déjouer ceux qui nous empêchent d’avancer, ne pas agir seul. Et surtout: avoir un but.
Au-delà du sport
« Les jeunes de familles ou de milieux défavorisés sont de trois à quatre fois plus nombreux à accuser des retards scolaires au primaire et au secondaire; deux fois plus nombreux à éprouver des problèmes d’apprentissage; et trois fois plus nombreux à présenter des troubles graves de comportement au secondaire », lit-on d’entrée de jeu sur le site de P3P.
C’est à partir de ces prémisses que Fabrice Vil, avocat de formation, a mis sur pied le programme de formation des coaches P3P en 2012. Ce programme considère le coach comme une personne significative, susceptible de jouer un rôle extra sportif dans la vie du jeune. Un rôle important à assumer alors que l’organisme estime qu’entre 5% et 10% seulement du bassin de coaches actuel au Québec qui possèdent une formation adéquate leur permettent de jouer pleinement ce rôle.
Le «coaching humaniste» tourne autour de quatre composantes essentielles appelées les 4C: compétence, confiance, connexion (relations positives avec son entourage) et caractère (l’empathie, la responsabilité, le respect, l’intégrité).
Pour Joel Casseus, c’est avant tout une question de transmettre aux jeunes ce que lui n’a pas eu à leur âge. « C’est peut-être en lien avec mon histoire, mais je pousse beaucoup pour développer leur confiance en eux-mêmes. S’il y a une chose que j’aurais aimé qu’on me fasse comprendre à cet âge-là, c’est de me faire confiance. Pas arrogant, confiant. La ligne est mince. »
Au bout d’une solide formation, les coaches certifiés de P3P apprennent à devenir un peu travailleur social, psychologue, acteur communautaire ou encore philosophe par moment.
Coach Joel
Joel Casseus a reçu sa certification P3P il y a quatre ans et enseigne le basket à l’Académie Dunton, située dans l’est de Montréal. Il a lui-même étudié dans cette école et joué au ballon dans le même gymnase. Il est une figure connue là-bas et les jeunes n’hésitent pas à aller vers lui naturellement. « J’ai des jeunes qui ne reçoivent pas de soutien de leurs parents à la maison, constate-t-il. Ils se confient sur leurs situations difficiles et me demandent conseil. J’essaie de les outiller pour qu’ils comprennent que le basket c’est une partie de leur vie, mais qu’ils doivent être équilibrés dans toutes les autres sphères. Tu veux être le meilleur joueur dans ton sport, oui, mais tu veux aussi être le meilleur fils, le meilleur étudiant, le meilleur frère, le meilleur ami. » Une question d’équilibre, estime le coach.
Zachary et Charles-Édouard
Rencontrés après la pratique, Zachary et Charles-Édouard font partie de la quinzaine de jeunes (sur 30) qui ont été retenus pour former l’équipe benjamin de l’Académie Dunton.
Qu’est-ce que ça vous apporte le basket à l’Académie Dunton?
Zachary Je suis meilleur physiquement et je suis surtout meilleur mentalement. Ce qu’il faut comprendre, c’est que quand ils prennent des joueurs, ce n’est pas uniquement parce qu’ils sont grands ou performants. Ils considèrent aussi ta force mentale. Ç’a endurci mon comportement. Je travaille mieux à l’école. Le basket change ma vie en ce moment.
Charles-Édouard Ça aide beaucoup ma motivation en classe et à venir à l’école. C’est exigeant, on pratique trois fois par semaine et on joue autour de 20 parties par année scolaire.
Joel, votre coach, semble assez strict et exigeant. C’est beaucoup de discipline?
Zachary Il n’est pas méchant. Il nous l’a dit plusieurs fois : «Même les gens qui sont bons peuvent toujours être meilleurs.» Il voit le potentiel en nous. Il veut toujours nous amener plus loin. Même s’il a l’air de nous détester (rires), à la fin il veut notre bien.
Charles-Édouard C’est pour ça qu’il peut avoir l’air dur, mais au final il nous encourage et souhaite qu’on réussisse au basket comme dans la vie.