Sur un nuage depuis sa nomination aux communications des Canadiens de Montréal, Chantal Machabée n’est plus celle que l’on présente. Pionnière dans le journalisme sportif et après plus de 30 ans à porter les couleurs de RDS, le Tricolore n’aurait pas pu choisir meilleure alliée.
Ce n’est pas un secret : les Habs avaient une réputation d’être opaques et de contrôler ardemment ses communications. Les relations entre les journalistes affectés à sa couverture quotidienne et le service des communications ont souvent été tendues. Mais en congédiant Paul Wilson, Geoff Molson voulait changer de cap.
Voilà donc le plus gros challenge du mandat de Chantal Machabée: changer des mentalités, une déclaration à la fois, tout en recréant une ferveur nationale pour le Tricolore. Et ce, qu’importent les résultats sur la glace, les rumeurs et les polémiques.
Quand on la questionne à ce sujet, elle reste fidèle à elle-même et ne mâche pas les mots: « je ne suis pas responsable des rumeurs, je ne peux pas contrôler ce qu’un journaliste va dire selon ses propres sources. On ne peut pas annoncer quelque chose qui n’est pas encore fait et pour le reste, j’arrive.S’il y a des choses qu’il faut corriger, si on manquait de timing parfois, s’il y a eu des décisions douteuses dans les dernières années, je travaille à la sensibilisation des deux côtés pour améliorer les choses. Les médias ont besoin du Canadien et le Canadien a besoin des médias. »
Une fille de défis
La première fan des Canadiens de Montréal veut que l’on connaisse mieux les joueurs actuels, comme on connaissait Guy Lafleur, Yvon Lambert ou Patrick Roy. Chantal Machabée croit que recréer un attachement avec les joueurs d’aujourd’hui rallumera d’emblée la flamme. Elle veut que l’onconnaisse ces jeunes hommes qui donnent le meilleur d’eux-mêmes chaque fois qu’ils chaussent leurs patins, que l’on connaisse leurs hauts et leurs bas, et se souvenir qu’au-delà des performances, ce sont des humains, comme tout le monde.
Mais au fait, ça fait quoi une vice-présidente aux communications des Canadiens de Montréal ? « Et bien… ça travaille beaucoup ! », répond Chantal Machabée, en riant au bout du fil. L’entrevue a eu lieu la veille de la conférence de presse tant attendue de Carey Price et la semaine suivant la nomination de Kent Hughes à titre de directeur général du Canadien. Et, s’il fallait décrire la discussion, sans hésiter, il faudrait mentionner les rires, la franchise, l’authenticité et la vulnérabilité de cette femme qui a su se tailler une place de choix dans un milieu d’hommes.
Depuis sa nomination, Chantal Machabée ne chôme pas. Elle assiste à tous les entraînements et à tous les matchs, s’occupe des joueurs, de l’entraîneur, du directeur général et du président des opérations hockey. Avec l’équipe à domicile et sur la route, elle coordonne les entrevues, prépare les joueurs et entraîneurs, leur fait part des sujets et questions du jour auxquels ils seront certainement confrontés.
Tout ça, sans oublier de donner toute l’information qu’elle peut aux reporters de beat, ceux qui suivent les équipes, ce qu’elle a d’ailleurs fait pendant plusieurs années pour RDS. « J’ai été 38 ans journaliste sportive et cette expérience m’aide beaucoup, elle est même cruciale. Je ne fais pas de sondages, je sais ce qui ne fonctionne pas et comment améliorer cela. Mais c’est des baby steps, du pas-à-pas. Je ne changerai pas les choses du jour au lendemain et certainement pas toute seule. »
Dans l’équipe de Guy Lafleur
Quand elle se promène dans les corridors du Centre Bell ou au centre d’entraînement de Brossard, Chantal Machabée se pince encore lorsqu’elle voit les photos des joueurs qu’elle admire.
De Jean Béliveau à Yvon Cournoyer en passant par Guy Lafleur, l’ancienne journaliste n’y croit toujours pas: elle fait bel et bien partie de l’équipe. Mais elle ne parvient pas à faire totalement une croix sur le journalisme puisqu’elle côtoie encore les mêmes collègues de travail, autrement certes, mais toujours dans le même environnement. « J’ai changé de fonction oui, mais je ne cherchais pas à quitter absolument le milieu des médias et je ne peux pas m’en ennuyer, car je suis encore avec mes boys quelque part. »
Les multiples photos et autographes le prouvent : Guy Lafleur a pavé la voie à la carrière de Chantal Machabée. Très jeune, elle en était fan et il était accessible. «Je n’étais pas issue de ce milieu-là du tout, dit-elle. Mes parents étaient dans les cosmétiques et les parfums. Guy Lafleur était de ces joueurs qui accordaient du temps à ses fans après un match à la sortie du Forum pour jaser ou prendre des photos. Pouvoir m’identifier à ces joueurs, à ce sport, oui ça a dirigé mon destin. »
La légende des Canadiens l’a confié à Tout le monde en parle en janvier dernier : il s’estime chanceux de faire partie de l’équipe de Chantal Machabée. Mais, au-delà de cette accessibilité, il ne faut pas oublier tout ce travail acharné fourni par cette femme pour qui tout n’a pas été facile. « J’aime ça l’accessibilité, ça fait partie de ma personnalité. J’aime parler à tout le monde, répondre aux fans sur les médias sociaux. Quand je fais mon épicerie ou que je vais au restaurant, on me demande des pronostics et ça me fait plaisir de répondre, même si ce n’est pas toujours évident pour mes enfants ou mes amis qui veulent profiter de ces moments avec moi. Le sport et le hockey, c’est un milieu qui repose sur la passion. »
Pas qu’un numéro dans le dos
Chantal Machabée, c’est aussi cette femme qui a su imposer le respect dans les vestiaires de hockey. Dans ce milieu très masculin, souvent perçu comme macho, elle a toujours été à l’aise. Et quoi qu’on en dise, elle n’est pas arrivée avec ses talons hauts en réclamant ce respect, elle a fait sa place de façon très discrète en s’imposant par sa rigueur journalistique et ses connaissancessportives.« Si on s’intéresse à un athlète et qu’on lui pose les bonnes questions, il répondra. Les joueurs de la LNH et moi, on a évolué ensemble. On se connaissait du junior, j’ai grandi avec ces gars qui sont devenus des vedettes. Quand tu respectes un athlète, il te le rend. Souvent, on ne le juge que par les statistiques, son salaire ou sa performance, mais il n’est pas qu’un numéro dans le dos », plaide-t-elle.
Devant la caméra, la journaliste a été de celles à vouloir comprendre qui était l’homme derrière le sportif et ses performances pour le révéler aux fans. Ce n’était pas tant pour excuser ses résultats, mais simplement pour rappeler qu’il restait humain. « Quand tu es père de famille de trois enfants avec deux jumeaux de 8 mois qui ne dorment pas la nuit et que tu as une séquence de quatre matchs, oui, tu peux être absent sur la patinoire et c’est normal : tu ne dors pas ! Un athlète n’est pas un super homme. »