Si Monsieur Paul était un mets, il serait une mignardise dont le mélange subtil de noisettes et de cacao adoucirait en une bouchée à peine la force de torréfaction d’un bon arabica. Une «gourmandise» dont se délecte L’Itinéraire, reconnaissant, depuis 10 ans. Mais Monsieur Paul part. Laissant derrière lui une cuisine nette, bien organisée; prête à accueillir celui ou celle qui saura y faire son nid. Par là même, c’est dans la mémoire collective de l’organisme qu’il laissera sa trace.
Il y a deux ans que le chef cuisinier du Café de L’Itinéraire a annoncé son départ. Une nouvelle qui, après 10 ans aujourd’hui à « piloter » bénévole- ment les activités de la cuisine, nous laisse encore pantois. On y croit sans y croire. Mais comme il le dit, calme et tout sourire: «C’est ça la vie. Une personne part, une autre arrive ».
Partir sans déranger
Son départ, il l’organise «sans déranger. Il faut savoir se retirer, pense-t-il, prendre moins de place » pour que la fin soit douce et facile. C’est la raison pour laquelle Monsieur Paul, qui jour après jour veille à satisfaire les ventres affamés des camelots et gourmands de L’Itinéraire, a réduit son temps de travail depuis plusieurs semaines. Chaque jeudi, il laisse donc «ses PAAS Action», les aide-cuisiniers en réinsertion sociale de L’Itinéraire, seuls, et en toute confiance. «C’est bon que je ne sois pas toujours là, constate-t-il. Ils s’habituent à mon départ. Ils sont plus ou moins inquiets de ça, alors je les rassure, mais ils sont déjà autonomes.»
Monsieur Paul se reconnaît un petit côté «baby-boomer» par son sentiment «très très fort» d’appartenance à L’Itinéraire, raison essentielle de toutes ses années de service. Reste que son expérience passée lui fait dire que 70 ans est un bon âge pour quitter : «J’ai remarqué que parfois, les personnes plus vieilles au travail sont bien fines, mais elles ne sont plus ben ben efficaces. Je ne voulais pas tomber là-dedans». De toute manière, cette «retraite» faisait partie de son plan de vie. «J’avais pensé consacrer juste 10 ans à du bénévolat, de manière intensive.» Un plan établi depuis ses 60 ans qui ne l’empêche pas d’être là à 100 %, même à quelques semaines de son départ: «Je me dis: Ah! Le 2 juin à L’Itinéraire, je n’en aurai plus d’autres. Alors, vas-y, donne-toi! Profites-en ! »