Par Simon Jacques
Camelot Métro Jarry
Quand j’ai appris que j’allais couvrir un événement à l’hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine, je me suis dit : « C’est la première fois que j’y vais pis qu’ils vont me laisser mes lacets. »
Mercredi, c’était la troisième fois que je visitais l’hôpital psychiatrique, situé dans l’est de la ville. La différence, cette fois, c’est que j’y suis allé en taxi, accompagné de Gabrielle, une journaliste de La Presse aussi jolie que compétente. Tout un contraste avec les autres fois, où j’arrivais en ambulance, escorté par des policiers, en proie à des idées suicidaires.
Je ne voulais pas de cette affectation. J’aurais préféré couvrir la conférence de presse au Stade Uniprix, moi qui suis un grand fan de tennis, ou l’exposition biotechnologique à l’Usine C qui dévoilait un exosquelette. J’avais justement fait une recherche sur ce sujet avec mes enfants. L’occasion de rester dans ma zone de confort était vraiment belle.
En même temps, je veux être un journaliste polyvalent. Je m’étais promis au début de ma carrière que je ne refuserais aucun sujet, car il y a toujours quelque chose à tirer, un angle différent à découvrir, une émotion à capter. Ça devrait être la même chose, me suis-je dit, pour le dévoilement des résultats d’une étude sur la violence en milieu de travail psychiatrique. La violence des patients contre les employés a un impact sur la qualité des soins, souligne l’étude.
J’ai été un patient deux fois dans ma vie, mais jamais violent.
Quand je suis arrivé à Louis-H., j’ai été étonné que le taxi ne tourne pas à gauche vers l’urgence, mais continue tout droit vers l’entrée principale. Nous cherchons le pavillon Fernand-Séguin, et c’est à travers une vitre très étroite, presque une fente, que l’agent nous renseigne. Cette mesure de sécurité extrême me fait rire. Encore un contraste avec mes pleurs et mes crises d’hyperventilation.
Après seulement deux minutes d’attente, le docteur Stéphane Guay nous accueille avec un sourire et une poignée de main énergique. Habillé sur son 36, il porte un élégant veston-cravate bleu marine. Je suis loin des moments interminables, assis à l’urgence, sans lacets ni ceinture, à attendre que le psychiatre daigne me rencontrer. Je me rappelle les regards laconiques, les soupirs excédés et l’antipathie générale des premiers répondants.
Le psychiatre de l’urgence se limite souvent à une série de questions sur ma santé. Il va parfois me prescrire des médicaments, mais c’est temporaire. La raison : il ne me connaît pas et ce n’est pas lui qui va assurer le suivi de mon dossier.
Mercredi, c’est moi qui posais les questions. La perspective de cuisiner un psychiatre me faisait saliver. L’étude, les résultats, pfft ! Pour une fois que les rôles étaient inversés, aussi bien en profiter !
J’enfile mes souliers de journaliste et l’entrevue passe très rapidement. Le médecin répond à toutes nos questions. Il m’offre même une bouteille d’eau sortie directement de son réfrigérateur personnel. Encore une fois, je me retrouve de l’autre côté du miroir. Je suis loin du minuscule verre en carton et de l’eau tablette au goût de tuyau avec laquelle j’avalais mes calmants.
J’ai quitté la tête haute, mon calepin de notes dans mes poches. En attendant le taxi, je me suis rappelé à quel point j’étais défait la dernière fois que j’avais quitté Louis-H, mes lacets et ma ceinture dans les mains. Mercredi, mes souliers étaient bien attachés.
Chronique publiée dans La Presse du 30 juin 2017
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