Soleils Atikamekw

Chloé Leriche, Québec, avril 2024, 103 min.
Par Agathe Melançon

C’est d’un drame vécu par la communauté atikamekw de Manawan que la réalisatrice Chloé Leriche s’est inspirée pour son film Soleils Atikamekw sorti en avril dernier. Cette même communauté, située à 250 km au nord-ouest de Trois-Rivières, et à 88 km de Saint-Michel-des-Saints, vivait il y a 50 ans la mort de cinq membres de sa communauté.

Soleils Atikamekw

Le 26 juin 1977, Julianna Quitich, Marie-Paule Petiquay, Thérèse Ottawa-Flammand, Denis Petiquay, Lionel Petiquay se retrouvent, étrangement, coincés dans une camionnette qui terminera son parcours dans le fond d’un lac.

De ce drame sont nées des blessures psychologiques et familiales qui semblent irréparables, peut-être parce que sans réponses sur les véritables causes. Soleils Atikamekw est un mélange de réalité et de fiction plus sur le deuil, l’injustice et la mémoire collective que sur le drame lui-même. Son auteure, Chloé Leriche, autodidacte, entre autres scénariste et réalisatrice de plusieurs courts métrages, réalise ici son deuxième long métrage lié aux communautés autochtones. Avant les rues et Soleils Atikamekw ont d’ailleurs remporté plusieurs prix. Ses films à caractère politique ont une approche collaborative et participative des membres des communautés autochtones ; elle écoute et elle implique la communauté proche des victimes dans le processus de réalisation. Elle donne la parole aux autochtones et intègre leur culture dans ses films : langue d’origine, musique, traditions…

Si en 1977 la communauté Atikamekw contestait le manque d’enquête alors que certains faits sug- gèrent déjà une forme de racisme systémique, la situation a heureusement progressé. Mais jusqu’à quel point ? Car si aujourd’hui autochtones et allochtones ont le droit à la même justice, nous avons juste à penser au cas Joyce Echaquan en 2020, pour se rappeler que tout n’est pas réglé. Pour ça, Soleils Atikamekw est un bon docu-fiction sur une réalité encore discriminante.

Suggestions

Par Alexandre Duguay

Le cinéma autochtone d’ici avance vers un avenir des plus prometteurs. Quoi qu’il reste encore du chemin à faire, difficile de faire abstraction d’une effervescence marquée par un nombre croissant de productions, en plus d’observer une reconnaissance non négligeable à l’international.

Nightraiders

Night Raiders (Les voleurs de la nuit), thriller de Danis Goulet,
Canada, 2021, 102 min

En 2043, un seul gouvernement contrôle toute l’Amérique du Nord. Le Régime a décrété que les enfants appartiennent à l’État et les conditionnent à le servir. Lorsque sa fille de 11 ans (Brooklyn Letexier-Hart) est gravement blessée, Niska (Elle-Máijá Tailfeathers) n’a d’autres choix que de la laisser entre les mains du Régime. Mais dé- terminée à sauver sa fille, Niska rejoint un groupe de la résistance crie. Du producteur exécutif Taika Waititi (Thor : Ragnarok, Jojo Rabbit), cette dystopie portée à l’écran par la réalisatrice crie-métisse, Danis Goulet, fait écho au passé douloureux des pensionnats autochtones. Night Raiders a été récompensé de six prix Écrans canadiens en 2022.

 

 

Angry InukAngry Inuk (Inuk en colère), documentaire de Alethea Arnaquq-Baril,
Canada, 2016, 82 min

Angry Inuk n’est pas une adaptation autochtone du jeu vidéo Angry Bird, mais bien un plaidoyer senti (et en règle) de la part des Inuits, qui revendiquent le droit de chasser le phoque. Si cette pratique ancestrale s’avère choquante pour Brigitte Bardot et plusieurs groupes de défense des animaux, elle demeure, aux yeux de la communauté inuite du Nunavut, toute aussi naturelle qu’essentielle à sa survie. Ainsi, en plus de donner la parole aux principaux intéressés, ce documentaire d’Alethea Arnaquq-Baril cherche à remettre les pendules à l’heure face à une campagne de désinformation qui dure depuis plusieurs décennies. Alethea Arnaquq-Baril, dont le projet s’est étalé sur une période de huit ans, démontre comment elle et sa communauté ont su tirer profit des médias sociaux pour s’inviter à la conversation sur cet enjeu.

 

 

BeansBeans, drame de Tracey Deer,
Canada, 2020, 92 min

Avec pour toile de fond la crise d’Oka de 1990, Beans, touchant récit initiatique, brosse le portrait d’une jeune fille en plein éveil. Plutôt timide et ayant du mal à s’affirmer, Beans (attachante Kiawentiio) se lie d’amitié avec une adolescente en révolte qui lui apprend à affronter ses peurs. Entrecoupé d’images d’archives d’un événement honteux de l’histoire du Québec, ce premier long-métrage de la cinéaste mohawk Tracey Deer, fait état de la violence et du racisme que sa communauté a injustement subis de la part des Blancs. Présenté lors des prestigieux festivals de films de Toronto (2020) et de Berlin (2021), Beans a récolté une quinzaine de récompenses depuis sa sortie.

 

 

L'inhumainL’Inhumain, drame fantastique de Jason Brennan,
Québec, 2021, 85 min

La légende du Wendigo, créature surnaturelle issue du folklore autochtone algonquien, en est une parmi les plus répandues en Amérique du Nord. C’est d’ailleurs à cet être maléfique qu’est confronté le rappeur Samian, dans le rôle de Mathieu, un brillant chirurgien rongé par la cupidité. Lorsque son père meurt, Mathieu, aux prises avec un problème de consommation et en instance de divorce, est contraint à retourner sur la terre anichinabée où il a grandi. Ce retour aux sources tourne très vite au cauchemar… Tout comme l’ont fait ces dernières années Jeff Barnaby (Blood Quantum), Danis Goulet (Night Raiders) et Nyla Innuksuk (Slash / Back), le réalisateur Jason Brennan flirte, lui aussi, avec le cinéma de genre pour donner du poids à l’affirmation de sa culture identitaire autochtone.

 


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