Quelle fierté de contribuer chaque année à un numéro consacré aux personnes et aux sujets autochtones. Je remercie l’équipe de la rédaction d’avoir cette sensibilité et ce désir de donner toute la place à des personnes inspirantes.

Au Café Maison ronde aussi nous avons l’occasion de voir chaque jour des personnes inspirantes. Comme chargée de projet pour ce programme de L’Itinéraire qui offre une opportunité d’emploi aux personnes autochtones en situation de précarité ou d’itinérance, je suis bien placée pour en témoigner. Ces participant.e.s à la Maison ronde font parfois des pieds et des mains ne serait-ce que pour se présenter à l’heure à leur quart de travail. Quelquefois, leur nuit a été ponctuée de cris d’autres bénéficiaires du refuge dans lequel ils se trouvent. Parfois, ils n’ont même pas eu la chance de dormir dans un refuge; la rue a été leur lit, avec la qualité de sommeil qu’on s’imagine. Dans d’autres cas, certaines jeunes femmes autochtones se retrouvent en situation de grande vulnérabilité et les personnes qui les recueillent prennent malheureusement avantage de leur précarité. Presque tous et toutes vivent les effets secondaires des blessures coloniales; leurs parents ou grands-parents sont allés dans les pensionnats et ne s’en sont jamais remis. Nos participant.e.s héritent de ces blessures émotionnelles et relationnelles et les ressources pour les aider sont trop peu nombreuses ou mésadaptées pour leur situation.

Pourtant, ils et elles se présentent à leur quart de travail au Café Maison ronde. Malgré tous les obstacles en amont, on les voit préparer une bannique, servir un café aux personnes en situation d’itinérance au Square Cabot, se débattre avec la caisse enregistreuse et servir des clients ayant des demandes variées. Quelquefois, leurs difficultés se font sentir de manière plus pressante et c’est à ce moment que nous – l’équipe les entourant – avons accès à une bribe de leur vécu et de leurs soucis. Nous les écoutons, les épaulons, mais surtout, nous essayons de trouver en eux les réponses à leurs enjeux.

Bien sûr, tous les parcours ne sont pas linéaires. Il peut arriver que des participant.e.s ne se présentent plus au Café. Nous tentons un contact, mais leurs circonstances de vie difficiles font en sorte qu’il n’y a plus d’espace mental et émotionnel disponible pour leur milieu de travail. La personne prend ainsi une pause pendant quelques semaines, parfois des mois, mais dans la majorité des cas, elle revient au Café Maison ronde un jour ou l’autre. Il suffit d’être patient et d’être là, tout simplement.

Le Café Maison ronde, à la base un plateau de travail, est devenu avec les années bien plus que cela. Je crois fermement qu’il s’agit d’un lieu où plusieurs personnes autochtones s’y sentent bien, en sécurité et où elles peuvent venir nous visiter sans s’annoncer. Il ne suffit que d’avoir le goût de prendre une bannique bien chaude ou un bon café et souvent, la discussion s’enclenche et les liens se retissent. Pour ma part, ces visites ponctuelles de nos participants, actuels, anciens ou en pause, sont le plus beau cadeau qu’ils peuvent m’offrir. Je ne cesse de m’émerveiller devant leur combativité et leur persévérance. C’est un honneur d’être témoin de leur croissance et de leurs succès !

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