Une thérapie pour le crime le plus tabou de tous
Mathieu*, 35 ans, aîné de sa fratrie, a commis des attouchements sexuels pendant plusieurs années sur son frère, sa sœur et l’ami de son frère lorsqu’il était adolescent. En vieillissant, les idées déviantes ne l’ont pas quittées. Il a longtemps consommé de la pornographie juvénile.
« Pour moi, c’était comme n’importe quelle autre porno, mais ça m’excitait beaucoup plus. Probablement parce que c’était tabou », raconte-t-il en entrevue avec L’Itinéraire.
Mais après chaque visionnement, Mathieu ressentait toujours un sentiment de dégoût.
« Parfois je me disais qu’il fallait que ça cesse. J’arrêtais pendant deux ou trois mois, je n’y pensais plus du tout, jusqu’au jour où un élément déclencheur survenait dans ma vie qui faisait que je n’étais pas bien et je rechutais. Comme une drogue. »
À l’âge adulte, Mathieu affirme n’avoir jamais touché d’enfant. « Même si c’était dans mon esprit, le passage à l’acte a toujours été la limite à ne pas franchir. Je me justifiais en me disant que tant que je n’allais pas jusque-là, j’étais correct. »
Un choix de survie face à un monde qui s’écroule
Été 2021, le frère de Mathieu le dénonce sur les réseaux sociaux. « Tout s’est écroulé autour de moi. J’ai perdu ma job, mon partenaire, tous mes amis ou à peu près. »
Devant l’effondrement de sa vie, la seule option qui restait à Mathieu était d’aller chercher de l’aide. C’est ce qu’il a fait en allant voir le Groupe Amorce, un groupe de thérapie et d’entraide pour hommes ayant commis un délit à caractère sexuel ou qui ont une attirance sexuelle pour les enfants et les adolescents.
Les métiers de sexologues et psychothérapeutes spécialisés dans le travail auprès d’auteurs d’infraction à caractère sexuel sont peu populaires en raison de la clientèle et de la nature des problématiques abordées. Ils sont cependant essentiels dans une société désireuse de réduire au maximum le nombre de victimes d’abus sexuel, estime Yves Paradis, sexologue, psychothérapeute et directeur du Centre d’intervention en délinquance sexuelle de Laval, un lieu à la mission similaire à celle du Groupe Amorce.
« À l’époque, il y avait beaucoup plus de ressources pour les personnes victimes que pour les auteurs d’agressions sexuelles. Si on veut vraiment être efficace pour réduire le phénomène de l’abus sexuel, il faut travailler sur les deux côtés de la médaille et accepter de donner de l’aide à ces hommes », affirme le professionnel.
* Nom fictif
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