AVRIL 1971
À la télé, le monde entier regarde le président Richard Nixon annoncer la poursuite de la guerre du Vietnam qui a déjà endeuillé plusieurs dizaines de milliers de familles à travers l’Amérique. Aux états-Unis, la jeunesse désillusionnée peine à imaginer un futur meilleur. Pour plusieurs, c’est une triste époque dénuée d’espoir.
Pendant ce temps, de ce côté-ci de la frontière, les Québécois – jeunes et moins jeunes – ont la tête ailleurs. Ils nourrissent des rêves pas mal plus emballants. Par dizaines de milliers, ils ré- pondent à l’appel de leur jeune premier ministre et s’apprêtent à faire l’histoire en harnachant les rivières de la Baie-James. Ils « ouvriront » le Nord pour une noble cause.
Attirés par l’aventure, la perspective de bons emplois et l’idée toute simple d’améliorer la qualité de vie générale, ils mettent l’épaule au chantier du siècle. Ils domestiquent une énergie propre capable de répondre – avant même qu’on s’en préoccupe – aux défis du réchauffement planétaire, tout en assurant au Québec un extraordinaire levier de développement économique.
Dans un environnement hostile, au-delà du 52e parallèle, ils érigent des cathédrales, des véritables pyramides des temps modernes, pour satisfaire les besoins énergétiques de leur province et l’appétit en kilowatts de leurs voisins du Sud.
Au fil du temps et de l’évolution des connaissances, ils apprendront beaucoup. Non seulement à bâtir l’inimaginable, mais aussi à «faire mieux». En partageant avec les premiers occupants la responsabilité de préserver une précieuse biodiversité.
De cette relation – quelques fois houleuse et quelques fois plus heureuse – naîtra une nouvelle entente entre peuples. Car revisiter l’histoire de la Baie-James, c’est aussi revivre des moments charnières dans les relations que le Québec entretient avec ses Premières Nations.
En quelques photos et peu de mots, L’Itinéraire est heureux de rendre hommage à tous ces bâtisseurs, ardents ouvriers et ingénieurs astucieux, qui ont marqué le dernier demi-siècle.
Et de partager avec vous les souvenirs de deux camelots-rédacteurs, Jean-Paul Lebel et Daniel Prince qui, chacun à leur façon, ont vécu «leur» Baie-James.