Député de Laurier-Sainte-Marie depuis peu, Steven Guilbeault a rendu visite à L’Itinéraire, dont les locaux sont situés dans sa circonscription. Nous avons profité de l’occasion pour faire une entrevue avec le ministre qui a déjà pris à quelques reprises la parole dans nos pages à l’époque où il occupait d’autres fonctions. Principalement connu pour son engagement écologique, plusieurs s’attendaient à ce que Steven Guilbeault fasse un jour le saut dans l’arène politique. Lorsque ce dernier a finalement fait le choix de se présenter sous la bannière du Parti libéral, il est rapidement devenu le candidat-vedette de l’équipe de Justin Trudeau pour le Québec. Dans ce cas de ne pas en faire un ministre à la suite de son élection, mais le choix du premier ministre en a surpris plus d’un : le nommer au Patrimoine canadien, et non à l’Environnement, succédant ainsi à Mélanie Joly et Pablo Rodriguez. Le nouveau ministre se retrouve donc avec l’épineuse question des GAFAM (les géants du web) et de la survie précaire des médias traditionnels. Et si les changements numériques représentaient un défi aussi grand que celui concernant les changements climatiques ?
M. Guilbeault, après de longues années passées à militer pour l’environnement et le développement durable, qu’est-ce qui vous a amené à vous présenter pour le Parti libéral aux élections fédérales de 2019 ?
Ça fait à peu près 25 ans que je milite surtout en environnement, mais j’ai aussi travaillé sur les questions de logement social et de droits de la personne. Je suis également membre fondateur d’une coopérative d’habitation, pas ici dans la circonscription, mais dans Rosemont. Après 25 ans, j’aimais toujours ce que je faisais, mais je me suis demandé s’il n’était pas temps pour moi de continuer ce genre de travail dans une autre arène. Si j’allais en politique, est-ce que je pourrais changer des choses ? Peut-être même à une plus grande échelle que ce que j’avais fait jusque-là ?
J’avais aussi très peur que le Parti conservateur gagne cette élection. On a vu ce que ç’a donné sur les questions sociales, d’environnement, de logement et de culture. Après ça, c’est sûr que j’avais des affinités avec d’autres partis politiques que le Parti libéral. Je connais beaucoup de gens chez les Verts et au NPD. J’ai des amis dans ces partis. Elizabeth May que j’ai croisée récemment a dit à l’une de ses amies : « Ça, c’est le meilleur candidat du Parti vert qu’on n’a pas eu ! »
Je me suis aussi dit : « Peut-être que je devrais essayer d’aller dans un parti où j’ai des chances d’être au pouvoir pour être capable d’influencer les lois et les règlements. » Ce qui n’enlève rien aux députés qui sont dans l’opposition. Au-delà de la question du pouvoir, je pense que le Parti libéral, dans les quatre dernières années, a montré son intérêt pour les questions sociales, les questions environnementales u2014 même si le gouvernement a acheté un pipeline u2014 et sur les questions de logement. Par exemple, la politique nationale du ministre Duclos sur le logement et la lutte à l’itinérance, c’est quand même quelque chose. Ce n’est pas parfait, mais c’est très bien. Donc, je me retrouvais assez bien dans les idées, dans les valeurs véhiculées par ce parti.
Vous avez parlé de cette peur que les conservateurs reviennent au pouvoir. Pourquoi avez-vous choisi de vous présenter dans un comté où les conservateurs n’avaient aucune chance d’être élus ?
C’est sûr que j’ai aussi pensé à ça. Évidemment au Québec, les conservateurs ne sont pas très populaires. Il y a des conservateurs élus pratiquement juste dans la région de Québec. J’ai pensé à me présenter à Québec, mais ma famille est à Montréal. J’ai des enfants. Là, j’aurais été parfois à Ottawa, parfois à Montréal avec ma famille, parfois dans mon comté à Québec. Logistiquement, ce n’était pas possible. Pour moi, l’endroit le plus logique pour me présenter, c’était chez nous. J’habite ici depuis 23 ans. C’est vrai que les conservateurs n’avaient aucune chance, mais si je gagnais un siège pour le Parti libéral, eh bien c’est un siège de plus vers un gouvernement. Idéalement, ç’aurait été un siège de plus pour les libéraux et un siège de moins pour les conservateurs, mais ce n’était pas réaliste.
Comment pensez-vous que votre carrière passée dans le mouvement écologiste vous a préparé à vos nouvelles fonctions, notamment comme ministre du Patrimoine canadien ?
Ces années de militantisme ont été une très bonne école. J’ai travaillé avec des partis politiques d’à peu près tous les horizons. Au Québec, j’ai travaillé avec le PQ, la CAQ, les libéraux et Québec solidaire. J’ai travaillé avec des gouvernements en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta. J’ai également travaillé sur des projets de lois, de règlements, j’ai siégé à des comités que ce soit au municipal, au provincial ou au fédéral. Tout ça m’a vraiment bien préparé, moins au niveau du Patrimoine par contre, mais bien préparé sur tout l’aspect plus politique de la chose.
Élue sous les couleurs du Parti libéral dans Hochelaga, Soraya Martinez-Ferrada, veut faire entendre à Ottawa la voix de l’Est de Montréal. Arrivée du Chili en 1980, elle a fui avec ses parents et grands-parents la dictature de Pinochet. Pour beaucoup, sa victoire est due à son travail de terrain axé sur la rencontre avec les habitants d’Hochelaga. À 48 ans, la mère de trois enfants a été élue avec 319 voix de plus que son plus grand rival, le bloquiste Simon Marchand. La circonscription était néodémocrate depuis 2011.
Vous défendez des valeurs plutôt sociales, que faites-vous sous l’enseigne libérale ?
En 2015, quand j’ai choisi de me présenter avec les libéraux, je me suis d’abord impliquée dans le parti. À cette époque, les conservateurs étaient au pouvoir depuis dix ans et on se questionnait beaucoup sur les droits des femmes et l’avortement. Il y avait eu aussi de nombreuses coupures des conservateurs dans les programmes sociaux, comme les soins à domicile et en itinérance. Le milieu communautaire en a beaucoup souffert. Je trouvais que Justin Trudeau avait pris des positions très fermes et progressistes, centrées sur la population. J’ai donc réalisé que même si on pouvait avoir une autre perception d’un parti, c’est par nos actions qu’on démontre ce que l’on est.
Comment comptez-vous mener votre programme dans un gouvernement minoritaire ?
Je suis là pour servir les citoyens d’Hochelaga et ça, c’est indépendant du fait d’être dans un gouvernement majoritaire ou minoritaire. Être dans un gouvernement minoritaire demande que l’on travaille beaucoup avec les autres, que l’on trouve des points en commun pour servir les personnes que l’on représente et améliorer leurs conditions de vie. Et je pense que tous les partis politiques s’entendent là-dessus.
En octobre 2019, vous avez dit que votre campagne était basée sur quatre thématiques : se loger, se nourrir, se déplacer et se transformer. En date du 15 mars 2020, quels ont été les projets clés que vous avez portés ?
Il y a d’abord la sécurité alimentaire. Beaucoup de personnes sont seules et ont de la misère à payer leur loyer ou sont en difficultés au bout de la troisième semaine du mois. Avant d’être en politique, j’ai été étudiante et travailleuse autonome et je n’avais pas beaucoup de revenus. J’ai donc dû faire appel à des organismes pour du dépannage alimentaire. Le second projet est lié à l’habitation parce qu’Hochelaga connaît des difficultés en matière de logement. On doit pouvoir offrir des logements adéquats, salubres et propres aux citoyens et je travaille en ce sens avec la Ville de Montréal et l’arrondissement. Le troisième projet que je mène de front est celui du développement de l’Est. J’ai fait le tour des élus et des autres paliers du gouvernement pour leur dire qu’il était important de reconnaître ce territoire.