Comme bien d’autres « destinations » de la métropole, le Village se relève difficilement de la pandémie. Après la morne saison de l’été 2020, le quartier a retrouvé cette année un peu de sa joie et de sa gaieté d’antan. Comme toujours, le Village a survécu et est là pour rester.
Installé dans l’ancien « Faubourg à m’lasse » (un quartier populaire rasé au début des années 1970), le Village a attiré ses premiers établissements gais à la fin de cette décennie.
Alors que déclinaient ceux de la Main (boulevard Saint-Laurent) et ceux du Red Light (rues Peel et Stanley), la communauté a progressivement migré vers le Centre-Sud, ce village de l’est francophone où les loyers commerciaux étaient
moins élevés.
Avec la récession du début des années 1980, la transplantation ne s’est pas faite sans douleur. À l’époque, le quartier n’était pas vraiment fréquentable la nuit. Les édifices délabrés étaient la norme. La criminalité et la prostitution y foisonnaient. Le nombre de locaux vacants donnaient à l’ensemble un air plutôt lugubre.
Avec le boom immobilier des années 1990, beaucoup de Montréalais et de Québécois ont décidé d’y élire domicile envers et contre tous.
On y a rénové des logements, et construit des condos. Timidement, on y a bâti quelques logements sociaux. De nouveaux commerces y ont ouvert leurs portes. Peu à peu, une vie de quartier s’est installée. Et de nouveaux arrivants sont venus.
Après les Outgames de 2006 qui ont attiré plus de 250 000 visiteurs, la décennie 2010 a marqué les heures de gloire du Village.
Avec la piétonisation de la « Catherine », les « Boules roses », les « 18 nuances de gai » et la Semaine de la Fierté, le quartier s’est ouvert à la ville qui l’entoure, au Québec tout entier et au reste du monde, en devenant l’une des destinations gaies internationales les plus prisées. En tout cas, il est devenu aujourd’hui l’un des coins les plus animés de la métropole.
Après quatre décennies d’histoire, le Village est à la recherche d’un nouveau souffle. Il ne veut plus n’être que « gai », il se proclame « 2SLGBTQIA+ »*. D’ailleurs, on ne dit plus le « Village gai » ; on dit « le Village » tout court. C’est bien la preuve de son passage à l’âge adulte et de la maturité de l’esprit qui désormais l’habite.
Installé à un jet de pierre de là, L’Itinéraire profite de son dynamisme retrouvé. Plusieurs de nos camelots habitent le Village. Nombre de nos employés y font leurs courses. Des centaines de nos lecteurs y travaillent ou y résident.
Après avoir tant misé sur l’afflux des touristes étrangers, le quartier se préoccupe maintenant beaucoup plus de la qualité de vie de ses résidents, avons-nous pu constater. De partout, des idées jaillissent pour relancer un Village de plus en plus fréquenté par les jeunes familles.
En cette fin d’été, voici un survol des idées porteuses pour réaffirmer son identité unique et son ouverture vers une plus grande diversité.
Une nouvelle signature
D’ici mai 2022, le Village aura une nouvelle signature. En 2011, la Société de développement commercial (SDC) avait marqué un grand coup en confiant à l’architecte paysagiste Claude Cormier l’installation des « Boules roses » qui, pendant cinq ans, ont symbolisé le quartier. Chaque été, plus de 200 000 boules roses disposées sur des fils formaient un plafond rose sur la rue Sainte-Catherine. La diffusion à travers le monde de la vidéo du même nom par Tourisme Montréal a donné au quartier une signature internationale et l’a propulsé comme destination mondiale pour les touristes de la communauté. En 2017 et jusqu’à l’été 2019, l’architecte a redéfini son concept avec l’installation de « 18 nuances de gai ». Cette fois-ci les 180 000 boules étaient déclinées dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel « pour célébrer l’évolution des identités de la communauté (désormais) plurielles, diverses, inclusives et nuancées » (notre photo). Depuis la pause de la pandémie en 2020, Montréal Village était en réflexion pour trouver un nouveau concept, à la fois différent des deux précédents, mais capable de provoquer l’émerveillement. À la suite d’un concours, les services de la firme d’architectes ADHOC ont été retenus. La nouvelle signature qui prendra forme s’appellera « Fleurs sauvages ». La première phase de l’installation a commencé cet été avec le verdissement du Village et l’installation d’îlots verts à travers le quartier. Au printemps prochain apparaîtront des pétales et pistils géants superposés dans des tubulures. Munies d’un éclairage intégré, ces fleurs « égayeront le jour et éclaireront la nuit », promettent les concepteurs.
Améliorer l’accueil et la sécurité
Au début de l’année, la SDC a lancé un projet pilote d’agents d’accueil pour améliorer la cohabitation entre tous ceux qui fréquentent ou habitent le Village. L’idée est bien sûr d’améliorer l’accueil des touristes, mais aussi de garantir une meilleure sécurité aux résidents et aux nouveaux commerces qui désirent s’installer dans le quartier. Sept jours sur sept, de 9 h à 21 h, un duo d’agents d’accueil sillonne les rues pour assurer le lien, selon les besoins des commerçants et la situation, avec les différents acteurs du quartier : populations marginalisées, organismes communautaires, groupes de médiation et de cohabitation, et agents de police. Les agents d’accueil veillent également à la propreté et à la sécurité en signalant les enjeux de propreté aux services concernés. Dans l’ordre habituel, notre photo montre deux des agents d’accueil, Younes et Nicolas.
Verdir le quartier
Le Village n’est pas reconnu pour sa végétation luxuriante. Dans le quartier, il y a peu de parcs et les rues bordées de grands arbres sont peu nombreuses. Cette année, la SDC a donc décidé d’ajouter des milliers de végétaux pour la saison estivale. L’idée est de faire du Village un quartier plus vert, tant pour les résidents que pour les visiteurs. Il y a toutes sortes de plantes, des arbres et arbustes, des graminées, des plantes grimpantes, des vivaces, bisannuelles, annuelles et couvres-sols. Toutes les fleurs et tous les végétaux ont été choisis en fonction de leur emplacement sur la rue et de l’ensoleillement qu’ils reçoivent. Selon le secteur, les végétaux ont été regroupés par couleur : jaune, orange, bleu, violet et fuschia qui évoquent les couleurs du drapeau de la Fierté. Comme le montre la maquette (ci-haut), les végétaux les plus volumineux ont été dispersés dans la rue Sainte-Catherine.
D’autres le seront aussi dans la rue transversale Atateken. Désormais, à la fin de chaque saison estivale, un tiers des végétaux sera jeté (en particulier les annuelles). Un tiers sera entreposé en serre jusqu’à l’année suivante. Un tiers sera distribué aux résidents du quartier pour contribuer au verdissement de la
communauté.
Animer le quartier tout l’été
Depuis des années, et fréquemment lors de performances improvisées, les artistes de rue égayent la rue Sainte-Catherine. Mais le public s’imagine souvent que les spectacles de qualité n’ont lieu qu’en soirée durant la Semaine de la Fierté, en août. En collaboration avec l’arrondissement Ville-Marie et le gouvernement du Québec, la SDC Village Montréal présente cette année une programmation estivale haute en couleur qui s’étend sur plusieurs semaines et se déroule essentiellement en après-midi. Depuis le 8 juillet, et jusqu’au 5 septembre prochain, près de 800 artistes se produisent sur les trois scènes permanentes aménagées dans les rues Sainte-Catherine et Atateken. Pour ceux qui n’ont pu assister aux autres spectacles de l’été, voici la programmation du premier et dernier week-end de l’été. Jeudi, le 2 septembre, la journée commence à 15 h avec des spectacles de danse et de chant. À compter de 18 h, le Cirque Hors Piste (photo 1) se produit dans la rue. Cet organisme montréalais utilise le cirque comme outil des réinsertion sociale des jeunes. (Voir notre reportage du 15 août dernier). Vendredi, le 3 septembre, la programmation musicale débute à 16 h. Mais à compter de 18 h, les Drag Queens et les Drag Kings (photo 2) présentent un spectacle de musique pop. Samedi le 4 septembre, la programmation débute à 13 h avec des artistes qui créent des œuvres de grand format. À compter de 16 h, le Collectif Cirque H présente son spectacle avec le Projet COMM-1-BULLE, et à 18 h, place aux performances du Cirkus Queer (photo 3). Enfin, dimanche le 5 septembre, les créations publiques commencent à 13 h, suivies d’un spectacle musical à 15 h. À 17 h, le public est invité à danser le tango dans la rue. Et à 19 h la journée se termine avec un Cabaret de variétés (photo 4). Toutes les prestations ont lieu dans la rue Sainte-Catherine Est, entre Saint-Hubert et Papineau, et sur Atateken, entre le boulevard René-Lévesque Est et la rue Robin.
* 2SLGBTQIA+
L’acronyme évoque toutes les communautés de la diversité sexuelle et de genre, soient les communautés two spirits (bispirituelle), lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, queer intersexe, et leurs alliés. À la fin, le + rappelle toutes les identités et combinaisons possibles.