Comme la plupart des médias, L’Itinéraire consacre la majeure partie de ses éditions de février au Mois de l’histoire des Noirs; au même titre que le magazine du 15 juin est consacré aux réalités autochtones.
Mais cette année, et bien que les journalistes du magazine soient habitués à couvrir ces éditions, un malaise s’est installé. C’est que pour la première fois, des questions et remarques ont fait naître des remises en question: « Pourquoi m’avoir choisi moi pour votre article? », s’est exprimée une personne. « On est actif toute l’année vous savez, pas juste en février », s’est exprimée une autre.
Et bien, parlons-en…
Ce malaise a été décrit à Cyrille Ekwalla, journaliste, directeur de l’Institut NéoQuébec, co-président de la Fondation Dynastie, et ravi d’ouvrir les valves du dialogue entre journalistes blanche et noir, avec la plus grande honnêteté et une simplicité nécessaire.
Rappelons que depuis plusieurs années — et avec raison — le manque de diversité dans les salles de rédaction, l’appropriation culturelle, le racisme systémique, les discriminations, les dénonciations de «parler à la place de» sont autant de points qui abreuvent les débats, les revendications, les manifestations et peuvent légitimement faire naître des malaises chez des membres de la majorité.
À L’Itinéraire, celui ressenti pourrait se résumer ainsi: comme journaliste blanche, comment ne pas donner la fausse impression à ses interlocuteurs noirs d’instrumentaliser leur personne et leur histoire au profit d’une publication à paraître pendant le Mois de l’histoire des Noirs? Précisons que cette question ne se pose pas en janvier, mars ou avril…
Redoubler d’honnêteté
Il fut une époque où publier simplement un feuillet sur le Mois de l’histoire des Noirs suffisait pour se faire taper sur l’épaule et valoriser de bon média pro-inclusion. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, fort heureusement.
Les journalistes ont tout intérêt à redoubler de vigilance quand à l’intégrité des propos relayés dans leurs articles ; à s’assurer de ne pas parler, même sans le vouloir, «à la place de» En fait, il doivent faire preuve de la plus grande objectivité possible; ce qui est ni plus ni moins la base du journalisme. « Dans la mesure où le travail est fait honnêtement, tout va bien », explique M. Ekwalla.
Soulignons que le Mois de l’histoire des Noirs a été instauré pour célébrer et valoriser les réalisations des communautés noires, pour rappeler à la mémoire collective les contributions passées, présentes et futures des membres de ces communautés, mais aussi pour «permettre à la majorité [blanche] de voir ces réalisations», ajoute le journaliste de NéoQuébec.
Et très sincèrement, en 2023, être un média québécois et ne pas s’intéresser aux communautés noires — en février aussi — serait déconnecté. « Il y a des siècles à rattraper, rappelle M. Ekwalla. Ça ne va pas se faire en un clin d’œil. » Le temps que ce rattrapage se fasse, dédier plus de pages aux communautés mises de côté, diversifier le visage de ses équipes, et ouvrir le dialogue sont de mise.