Sur la pénurie de main-d’oeuvre
Pour résoudre une partie de la pénurie de main-d’œuvre, Québec examine la possibilité d’augmenter le montant que peuvent gagner les bénéficiaires de l’aide sociale sans voir leurs prestations amputées. C’est ce qu’a confié le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, au terme d’une entrevue dans les locaux de L’Itinéraire.
1 Votre gouvernement compte beaucoup sur l’immigration pour trouver de nouveaux travailleurs qualifiés. Or, une étude du Mouvement Desjardins montre qu’à peine 15 % des 120 000 postes à combler nécessitent une formation universitaire. En revanche, 58 % des emplois ne demandent aucune spécialisation. Que ferez-vous pour trouver des candidats ?
Nous allons aider toutes les personnes qui ne sont pas assez représentées à intégrer le marché du travail et à y demeurer. On évalue que les immigrants pourront combler environ 20 % de nos besoins au cours des 10 prochaines années. Mais il n’y a pas que les immigrants ; il y a beaucoup de travailleurs expérimentés, des personnes de 60 ans et plus. Si on avait le même taux d’emploi qu’en Ontario, on aurait ainsi 89u2009000 travailleurs de plus sur le marché du travail. Il faut aussi avoir une stratégie nationale d’intégration et de maintien en emploi des personnes handicapées. Pour cela, j’ai embauché 28 agents d’intégration pour accompagner les personnes avec un handicap et les employeurs. Au Québec, on a 650 000 personnes qui ont un handicap. Il y a un potentiel d’à peu près 250 000 personnes qui pourraient intégrer le marché du travail. Il y a aussi les personnes issues des Premières Nations, les femmes et les jeunes qui sont encore sur les bancs d’école. Ils représentent 52 % de nos besoins. La clé, c’est l’intégration.
2 Ces jours-ci, la Chambre des représentants des États-Unis a statué sur l’augmentation du salaire minimum fédéral qui doit doubler en cinq ans pour atteindre l’équivalent de 20 $ (CAN) en 2024. Au Québec, le salaire minimum n’est que de 12,50 $. N’y a-t-il pas lieu de le bonifier pour attirer de nouveaux travailleurs ?
Le salaire minimum était à 12,00 $ et les libéraux voulaient le monter à 12,10 $. Nous, on a fait un bond à 12,50 $. C’est la première fois dans l’histoire du Québec où le salaire minimum atteint 50 % du salaire horaire moyen. Je suis fier de ça. Évidemment, je joue à l’équilibriste. Les PME me disent que si tu le montes trop, on risque de mettre des jobs en péril, on risque de provoquer des mises à pied. Mais en même temps, ce qui me préoccupe, c’est de maintenir et d’augmenter le pouvoir d’achat. Je sais bien qu’à 12,50 $, ce n’est pas assez pour avoir une bonne qualité de vie. Mon intention, c’est de continuer à être ambitieux. Il y a 250 000 Québécois qui sont encore au salaire minimum et qui ont profité de la dernière augmentation. Il faut continuer à accroître la richesse des Québécois. Il faut sortir le plus de monde du seuil de la pauvreté. On va tout faire pour ça.
3 Le tiers des prestataires de l’aide sociale ne présentent aucune contrainte à l’emploi. Ces 105 000 personnes, qui sont des travailleurs potentiels, n’ont pas le droit de gagner plus de 200 $ par mois sans voir leur chèque (669 $) coupé. Et si on leur permettait d’en gagner le double, par exemple, et cela sans coût pour l’État ?
Ma prochaine priorité, ce sera celle-là. Est-ce que ça passera de 200 à 400 $ ? On va voir, mais je vous assure que je vais faire une analyse et que cela fera partie de mes priorités pour le prochain budget. Cette année, il y avait l’exemption pour les pensions alimentaires pour les enfants. Ça, c’était une revendication unanime au Québec. C’était l’une de mes trois priorités. On a monté l’exemption de 100 $ à 350 $. Au final, 87 % des familles monoparentales en ont bénéficié. Je suis fier de cela.