Nous sommes quelque 8 milliards d’êtres humains sur la Terre ; 2 milliards de plus en 2050. Il faudra les nourrir. Principal obstacle, les changements climatiques inévitables et leurs conséquences : sécheresses, maladies, manque d’eau et environnement pollué pour nous, les plantes et les animaux. Certains aliments risquent de disparaître. Il faudra donc trouver d’autres aliments et ils devront être nutritifs.
« L’humanité s’est toujours adaptée, cela ne changera pas en 2100 », nous rassure le spécialiste de l’alimentation, Sylvain Charlebois. On cultive déjà sur les toits, les jardins, les ruelles, on développe les fermes verticales, on mange d’autres végétaux, des algues et des aliments enrichis en vitamines et minéraux.
Pas de panique; on ne manquera pas de bière, de chocolat ou de saumon de sitôt, mais il faudra prévoir pour l’avenir.
Au niveau politique, M. Charlebois, directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie, à Halifax, rappelle qu’une loi fédérale sur l’étiquetage des aliments trop gras, trop sucrés et trop salés entrera en vigueur en 2025. En d’autres mots, l’industrie agroalimentaire n’aura pas le choix de faire des efforts pour proposer aux entreprises des produits intéressants et bons au goût.
Le problème de la diversité
Retour en arrière. Dans les Andes, les Premières Nations cultivaient des centaines de variétés de patates. Les Espagnols ont choisi quelques tubercules d’une seule variété. Vers 1850, toutes les patates cultivées en Europe descendaient de ces quelques tubercules. Puis, la maladie a frappé la pomme de terre, le principal aliment, sinon le seul, des Irlandais. Un million sont morts pendant la Grande Famine; un autre million a tenté de s’enfuir en Amérique. Une quinzaine de milliers sont enterrés à Grosse-Île près de Québec, et dans Griffintown à Montréal.
On est en train de commettre la même erreur; de moins en moins de diversité de plantes, de fruits, et d’animaux dans notre alimentation. Seulement neuf plantes et cinq animaux fournissent l’essentiel des aliments dans le monde, explique Bernard Lavallée, le nutritionniste urbain, dans son dernier livre À la défense de la biodivesité. Le maïs, le riz, le blé, la canne à sucre, la pomme de terre, le soja, le palmier à huile, la betterave sucrière et le manioc représentent les deux tiers de la production mondiale, et cinq animaux (bœuf, mouton, poule, chèvre et porc) fournissent la majorité de notre viande. Leurs points communs : aptes au transport sur de longues distances, taux de productivité élevé, belle apparence. Et résistants aux maladies. Jusqu’à maintenant…
« Actuellement, dans les pays riches, l’accès à la diversité alimentaire est très grand pour quiconque en a les moyens. Mais derrière cette diversité locale se cache une réalité mondiale tout autre », écrit Bernard Lavallée. Et cette uniformité est encore plus dramatique pour la santé de ceux qui ne sont pas riches ici et ailleurs, mais aussi pour la santé de la planète.
Au milieu du siècle dernier, il y avait plus de 2000 variétés de pommes. Elles ont été écartées peu à peu au profit des cinq variétés qu’on retrouve dans les épiceries (Granny Smith, McIntosh, etc.).
D’ailleurs, selon Matt Siegel, auteur du livre The Secret History of Food, 70% des frites vendues aux États-Unis sont fabriquées à partir d’un seul type de pomme de terre connu sous divers noms (Russet, Idaho Baker) en partie parce que c’est la préférée de McDonald, le plus grand acheteur de pommes de terre au monde.
Chez Starbucks, nous pouvons choisir entre du lait écrémé, du lait à 2%, du lait à forte teneur en crème et du lait entier. Malgré tous ces choix, 94% du lait produit aux États-Unis provient de la même espèce, la Holstein, la vache préférée des producteurs laitiers, pour son rendement.