Je regarde par ma fenêtre de bureau et sous le pont Jacques-Cartier, des tentes sont érigées puis démantelées la semaine suivante. Au même endroit, un gars dort en plein jour dissimulé dans son sac de couchage avec comme tout abri le pont et un vieux parapluie accoté sur une poubelle pleine à craquer.
Des campements de personnes itinérantes, il en surgit un peu partout dans la ville. Et le pire dans tout ça, c’est que de nouveaux venus viennent gonfler leurs rangs, des petits travailleurs qui n’ont pas réussi à trouver un appartement abordable. On crie à la pénurie de logements, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Il y en a des appartements, mais ce n’est pas tout le monde qui peut se payer un 4 ½ à 1 500$ par mois.
D’autres vont plier bagage pour sortir de Montréal, devenue trop chère pour leurs moyens. Où vont-ils? Saint-Jérôme? La Prairie? Dans la troisième couronne? Là aussi les loyers ont grimpé…
Les plus chanceux pourront demeurer sur l’île, mais très loin de leur quartier où ils ont vécu, où leurs enfants sont allés à l’école, là où ils avaient une vie. Déracinés.
À qui la faute?
Bien que la Covid n’est pas la seule cause de cette crise, elle y a été pour quelque chose. Par exemple, la pénurie de logements en région. Avant la pandémie, qui aurait eu du mal à se loger à Rimouski, à Sherbrooke, à Rouyn-Noranda? On pointe du doigt la migration des télétravailleurs des grandes villes vers les régions. Mais ces dernières sont souvent mal desservies en matière de soins de santé ou de commerces et beaucoup de villageois environnants migrent vers les plus grands centres.
Bonne nouvelle dans tout ça: les jeunes (et les moins jeunes) sont de plus en plus nombreux à choisir la vie rurale ou d’y rester. Est-ce une tendance durable? Le temps le dira. Mais c’est encourageant de constater cet engouement pour la ruralité, surtout lorsque ça se fait dans le respect de la nature et de l’environnement.
Carrément indécent!
La pénurie de logements ne date pas d’hier. Mais ce qui est nouveau, ce sont les Airbnb qui poussent comme des champignons. Et pas seulement à Montréal, des locataires en Gaspésie et dans le Bas-du-Fleuve sont expulsés de leur logement pour faire place aux touristes. Demander à une dame de 74 ans de libérer son logis qu’elle habite depuis 30 ans pour qu’on le transforme en gîte touristique, c’est non seulement inacceptable, c’est indécent! La cupidité de certains propriétaires est sans bornes.
Je comprends que si tu as récemment acheté un duplex ou un triplex dans les deux dernières années, le coût d’achat et celui des matériaux de construction ont considérablement grimpé, justifiant un loyer plus élevé. Par contre, si tu es propriétaire d’un plex, payé depuis longtemps, et que tu mets tes locataires à la porte pour relouer à deux fois le prix, après avoir donné un coup de pinceau et changé la robinetterie, c’est plus qu’indécent, c’est quasiment criminel. Certains se dédouanent en disant qu’il faut suivre le marché, mais, franchement, il n’y a pas grand-chose qui les empêche de le faire. Les lois sur la spéculation, les flips immobiliers et les rénovictions sont soit inexistantes ou soit très contournables.
Être proprio, ce n’est pas une mission sociale, on s’entend; il faut le payer cet immeuble, ces taxes, ces entretiens, ces assurances. Mais être proprio avec une conscience sociale, ça joue énormément sur la crise du logement qui sévit actuellement. Ça et des vraies lois et règlements qui ont un réel impact.
On les attend toujours…