Que représentent les journaux de rue pour vous ?
Les personnes qui connaissent les journaux de rue – qui les achètent, qui les lisent, qui les fabriquent, qui les soutiennent – savent ce qu’ils sont: une solution entrepreneuriale à la pauvreté, une source de revenus durables pour les gens qui ne trouvent pas d’emploi, un outil d’autonomisation pour les plus vulnérables ou les exclus, qui vivent en marge de la société.
L’INSP, le réseau international des journaux de rue, a demandé à ces personnes – appelées camelots, vendeurs, vendeuses, vendedores, , πωλητές, Verkäufer – ce qu’un journal de rue représente pour elles. Les réponses étaient variées et provenaient d’une vaste étendue géographique, ce qui met en évidence la diversité des individus et des modes de pensée au sein de ce réseau.
Agathe Melançon
L’Itinéraire à Montréal, Canada.
Bien chez moi à L’Itinéraire
Partout dans le monde, les camelots bénéficient d’une équipe pour sortir de l’isolement, d’un espace pour communiquer et pour écrire. Ce dernier point permet entre autres d’avoir un petit revenu.
Ce que nous écrivons dans les journaux de rue sensibilise la société à la réalité des gens en situation de pauvreté.
Je suis à L’Itinéraire depuis 2019. J’ai été bien accueillie par l’équipe et les autres camelots qui m’ont donné des trucs de vente. Avec le temps, j’ai même fait du mentorat pour en aider d’autres.
Quand je vends, je me sens valorisée au contact de mes clients. Surtout quand ils me disent avoir aimé les textes que j’écris. Encore plus quand certains font un détour pour m’en féliciter, même s’ils ont acheté le magazine auprès d’un autre camelot.
Avec L’Itinéraire, j’ai suivi l’atelier Projet de vie qui m’a aidée à établir des objectifs, surtout par rapport à l’écriture. C’est d’ailleurs l’écriture qui m’a attirée vers L’Itinéraire. J’écris des mots de camelot et des chroniques sur les gens, mes expériences. Je ne manque pas d’inspiration. J’aime aussi beaucoup faire des reportages avec l’équipe de rédaction. J’apprends énormément en plus de parler à des personnalités connues.
Parallèlement, j’envoie des textes à d’autres médias, comme des journaux universitaires, et j’écris également de la poésie. Je me suis même inscrite à des ateliers d’écriture à la bibliothèque.
Je fais partie d’une belle et grande équipe à L’Itinéraire, qui me procure un sentiment d’appartenance très fort.
Clóvis Francisco
Aurora da Rua à Salvador, Brésil
Pour moi, un journal de rue, c’est la sobriété et la sécurité. Il me permet de vivre une vie digne, loin de ma dépendance à l’alcool. Vendre Aurora da Rua a été le meilleur choix que j’ai pu faire. Même pendant la pandémie, j’ai réussi à conserver mes revenus, car mon point de vente me permet d’accéder aux gens de manière sécuritaire et pacifique. Tout le monde veut connaître l’histoire de ma vie.
Rudolf Druschke
Fiftyfifty à Düsseldorf, Allemagne
Pour moi, FiftyFifty signifie de ne pas abandonner, d’avoir le courage de recommencer sa vie et d’accéder à l’égalité des chances. J’ai longtemps erré dans les rues avant de découvrir FiftyFifty en 1995. J’étais alcoolique et cela m’a fait perdre mon emploi, mon gagne-pain, mon mariage, mes collègues, mes amis et même le contact avec mes enfants. Le journal de rue m’a donné le courage de me faire aider et je suis maintenant sobre depuis 22 ans.
Jesper Bisgaard
Hus Forbi à Copenhagen, Danemark
Hus Forbi a été un ultimatum pour moi. Sans ce journal de rue, je ne serais pas en vie aujourd’hui. C’est la vérité. Hus Forbim’empêche de tomber dans des trous profonds et de ne pas me soucier de mon corps et de ma santé. [Ceux qui le vendent] sont tous des gens charmants qui n’ont pas eu un parcours facile. Au lieu d’être seuls, nous sommes un groupe de personnes qui peuvent se rencontrer dans tout le Danemark. Et si ça ne va pas très bien, nous nous entraidons du mieux que nous pouvons.
Enkete Mungbaba
Iso Numero à Helsinki, Finlande
Pour moi, le magazine est synonyme de sivistys [un mot finlandais qui signifie « culture de soi » ou « acquérir de la sagesse à un niveau personnel »]. Cela vaut pour moi-même. Il est très important que je lise le finnois tous les jours et que j’apprenne davantage la langue. Comme je vends le magazine, je dois comprendre ce que signifient les titres et les histoires. Je veux que tout le monde le lise.
Brian Augustine
Denver Voice à Denver, Colorado, É.-U.
Vendre un journal de rue vous permet de faire partie de la société. Lorsque vous devenez sans-abri, vous comprenez rapidement que vous êtes à part. On se rend compte qu’il y a deux mondes différents. Grâce à Denver Voice, j’ai maintenant plus d’amis que je n’en ai jamais eu dans ma vie.