Il y a 10 ans, Nérée St-Amand a commencé à rapporter à Ottawa des magazines qu’il achetait auprès des camelots lors de ses passages à Montréal, dans le but de les montrer à ses étudiants. Aujourd’hui, c’est une caisse de 150 magazines qui part chaque mois par autobus vers la capitale nationale, puisque L’Itinéraire est devenu une lecture obligatoire dans les cours du prof titulaire et co-fondateur de l’École de service social de l’Université d’Ottawa.
Au début, le professeur présentait à ses étudiants des témoignages de camelots et des photos de L’Itinéraire pour en discuter avec eux. Maintenant, le magazine fait partie intégrante de ses enseignements. Plus qu’une matière à étudier, notre publication sert d’outil pour déboulonner les préjugés et sensibiliser les étudiants à la réalité de l’itinérance.
« Les gens à qui j’enseigne le travail social sont soit à la maîtrise soit au baccalauréat, mais quand ils arrivent dans mon cours, je constate qu’ils ne connaissent pas beaucoup la réalité des gens de la rue. Et encore, ils ont souvent d’importants préjugés à leur endroit », laisse entendre M. St-Amand, qui enseigne à l’Université d’Ottawa depuis un peu plus de 25 ans. Le professeur indique que ses étudiants viennent d’un peu partout, de la ville, des régions rurales, de l’étranger et bon nombre d’entre eux arrivent avec une opinion négative des personnes vulnérables et marginalisées.
Apprendre la réalité sur le terrain
« La première chose que je fais dans mes cours est d’inviter une personne en situation d’itinérance pour venir parler à mes étudiants. Et, la première lecture de l’année, en septembre et en décembre, c’est L’Itinéraire, dit-il. La lecture des témoignages de vie a un impact ; ils en sont fortement touchés. Surtout quand ils constatent le cheminement des gens qui s’en sont sortis. »
Il ajoute que cette introduction à l’itinérance en début de session est moins compromettante pour les étudiants que d’aller dans la rue rencontrer des sans-abri en personne. Or c’est une étape incontournable de leur apprentissage qui viendra plus tard au cours de l’année.
M. St-Amand précise par ailleurs que pour briser les idées reçues de bon nombre d’étudiants voulant que les itinérants ont mérité leur sort, il fait une analyse sociale avec eux pour les amener à comprendre les multiples facteurs qui font qu’une personne se retrouve dans la rue. « C’est faux de croire que c’est la faute de la personne si elle devient itinérante ; il y a des circonstances hors de leur contrôle qui les ont amenées là », explique-t-il.
Le préféré des étudiants
Pour mieux appuyer ces analyses, le prof recourt à divers publications, mais trouve que L’Itinéraire offre davantage d’exemples concrets. « Ce que je leur présente, ce sont de vrais gens, et non pas un concept abstrait. Ce sont des personnes qui ont une histoire. »
Au cours de leur formation, les étudiants du prof St-Amand sont également mis en contact avec d’autres organismes communautaires qui travaillent avec des personnes marginalisées et vivant diverses problématiques. « Ils sont aussi appelés à faire du bénévolat dans une ressource communautaire pendant leur semestre avec moi », souligne M. St-Amand.
Quelle évaluation fait-il de L’Itinéraire au cours de ses longues années d’enseignement ? « Lors du dernier bilan que j’ai fait avec mes étudiants, je leur ai demandé laquelle des quelque 35 lectures de tous genres préféraient-ils, et c’est dans une proportion de 90 % qu’ils ont répondu L’Itinéraire. Ça, ça me fait vraiment plaisir ! », dit l’enseignant.
À une année de sa retraite, le prof qui a publié plusieurs ouvrages, donné une multitude de conférences et formé une myriade de jeunes en travail social semble être encore amoureux de sa profession. Sans doute laissera-t-il un grand vide dans la communauté universitaire d’Ottawa.
Par contre, d’autres pourront sans doute bénéficier de sa plus grande disponibilité. Si, lorsqu’il vient à Montréal, Nérée St-Amand s’arrête de temps en temps à L’Itinéraire pour venir nous saluer, une fois retraité, il pourra passer plus souvent chez nous pour partager sa sagesse et son expérience. N’importe quand, Nérée, vous êtes le bienvenu !