Si l’expression « mesures d’austérité » s’amenuise dans les médias ces derniers temps, la réalité de leurs effets est toujours bien présente. Les coupures gouvernementales successives et incessantes se font sentir partout au Québec, que ce soit dans le domaine de la santé, des services sociaux ou de l’éducation. Chose certaine, c’est dans le milieu communautaire que leur impact fait le plus mal.
Rappelons qu’en 2001, le gouvernement mettait en place sa politique gouvernementale, L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec. Quinze ans plus tard, force est de constater que cette mesure pour reconnaître et favoriser l’action communautaire ne répond pas à ses propres engagements, bien au contraire…
Avec le désengagement de l’État, qui pellete depuis trop longtemps ses responsabilités dans la cour des groupes communautaires, il semble s’être installée une forme d’acclimatation où l’on ne s’étonne plus des trop nombreuses fermetures d’OSBL, et les cris à l’aide des organismes communautaires ne trouvent pas écho. Pire encore, les plus marginalisés et démunis se retrouvent désormais encore plus bas dans la « chaîne alimentaire », grâce notamment à des mesures comme la Loi 70 qui coupe de moitié l’aide sociale déjà famélique aux premiers demandeurs.
Entre engagement et épuisement
Mettez ensemble deux personnes qui travaillent pour des organismes communautaires différents et elles arriveront invariablement au même constat sur l’état de leur organisme et leurs conditions de travail: « C’est ça le communautaire… », diront-elles. Remarquez que sont les trois points de suspension qui en disent le plus long : c’est ça travailler des heures supplémentaires non payées qu’on ne pourra jamais reprendre, c’est ça voir des collègues partir en burnout ou démissionner, c’est ça devoir couper des services, du personnel, des heures d’ouverture, c’est ça ne pas savoir si demain on sera encore là …
Mais vous les entendrez aussi affirmer plus souvent qu’autrement que malgré tout, elles aiment leur boulot et sont fières du fait qu’elles contribuent à améliorer le sort des gens et celui de leur communauté.
Dans son rapport en suivi de la Commission populaire qu’il a mené à travers le Québec en 2015, le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) brosse un portrait éloquent des conditions difficiles dans lesquelles évoluent les organismes. Son titre assez évocateur : Les organismes d’action communautaire autonome : entre engagement et épuisement. Ilrésume bien les résultats de ces audiences menées dans 12 régions de la province au cours desquelles 145 organismes ont fait une présentation. De plus, 278 mémoires y ont été transmis.
Si la Commission a pu « mettre en valeur l’étendue et la diversité des contributions des organismes communautaires à leurs milieux » elle souligne également leur pertinence « tant pour leur contribution en terme de services directs que pour celle à la vie démocratique du Québec. »
Mais en même temps, la Commission a été « indignée par les situations de survie décrites par les militantes, les bénévoles, les participantes et les travailleuses des organismes d’ACA ». Remarquez que l’utilisation du genre féminin dans le rapport est intentionnelle, vu que les femmes forment la majorité des travailleuses dans le milieu communautaire.
Ce document fort révélateur met en lumière les effets désastreux du désengagement social de l’État envers les organismes communautaires dans un Québec où les besoins vont en augmentant. Les organismes dénoncent le fait qu’ils doivent passer de plus en plus de temps pour rechercher du financement qui se fait de plus en plus rare ou est dilué, pour répondre aux demandes de reddition de comptes de plus en plus exigeantes, voire même pour justifier leur existence. Tout ça au détriment du travail sur le terrain avec des ressources réduites.
Conclusion : les organismes communautaires somment le gouvernement de retisser le filet social qui s’effrite depuis des années, de soutenir et de réinvestir dans l’action communautaire qui joue un rôle majeur au Québec.
En fait, j’y pense : le gouvernement, c’est nous. C’est à nous que revient le choix de qui prend les décisions pour nous. Nos choix comptent. On n’a qu’à regarder ce qui se passe au sud de la frontière. Et puis, si la civilisation d’un État se mesure par la façon dont il traite ses plus démunis, quelle note nous donnerions-nous ?
Vous pouvez trouver le Rapport en suivi de la Commission populaire pour l’action communautaire autonome sur notre site web
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