Tous les artistes ne sont pas égaux en matière de reconnaissance et de filet social. Si L’UNESCO défend l’apport et le rôle des faiseurs de culture pour toutes les nations depuis 1980, chaque pays légifère à sa vitesse. Au Burkina Faso, un tout premier projet de loi officialisant le statut des artistes burkinabés a été voté fin mars. En Turquie, le réalisateur turc Emin Alper se faisait accuser de propagande LGBT dans son pays en 2023, pendant qu’à Cannes on applaudissait son dernier thriller politique, Burning Day.
Quant au Québec, la structuration du milieu de la culture s’est mise en branle dans les années 90. Les lois liées sont régulièrement bonifiées, depuis.
ll est alors triste de constater qu’en 30 ans de reconnaissance des arts et de la culture, les mots « précarité » et « artiste » font toujours la paire. C’est ce que constate l’ensemble de la société – une fois de plus – des manifestations organisées par la Grande mobilisation pour les arts au Québec (GMAQ) tous les 22 du mois depuis le mois de janvier. C’est aussi ce qu’a laissé comprendre une conversation, tout à fait impromptue, avec le musicien, auteur-compositeur québécois Pilou, dans les locaux du BEAM, pour Bureau Estrien de l’Audiovisuel et du Multimédia.
Connaissez-vous le BEAM, ce centre de services au rayonnement international hébergé dans l’église de Saint-Adrien, dans la MRC des Sources, en Estrie (parfois connu pour son système de chauffage cryptomonnaie) La bâtisse patrimoniale a été acheté par Pilou, Pierre-Philippe Côté de son nom complet, en 2017, pour… 1 $. On en parlait déjà dans les pages de L’Itinéraire du 15 mars 2022 comme l’un des projets porteurs de la revitalisation de ce petit village des Appalaches, d’à peine plus de 550 âmes.
Un dollar, quelle aubaine !, diront certains… Pour Pilou qui court après les subventions comme tous les artistes, c’est le dollar le moins rentable jamais investi. Un investissement d’1 $ qui en a coûté « 2,6 millions avec pour aides financières, quelques subventions pour le démarrage et « une garantie de prêt de la région de 75 000 $ ». Autant dire des peanuts… et « depuis, plus rien » ajoute-t-il.
« Si j’étais un industriel, on subventionnerait entre 50 et 75 % de mes activités. »
Quelques minutes de conversation avec l’entrepreneur ont été suffisantes pour comprendre que les retombées et les conséquences positives d’investir dans la culture, comme on investit dans nos routes, sont incomprises. Car dans nos « pays riches » la culture n’a peut-être pas à lutter contre l’oppression, mais elle permet de s’évader, elle éduque, réveille l’empathie des gens, favorise la tolérance et le respect des autres, aide à réformer la société et sert aussi l’économie. Pilou enchaîne : « 1,2 million annuel de retombées pour la MRC des Sources, près de 10 millions en Estrie, 35 nouvelles constructions de maisons dans les dernières années, un vivier d’artistes qui s’est installé. »
Sans la fibre entrepreneuriale de Pilou et sa capacité d’investissement parce qu’il « fait de la musique de films pour Disney… » le haut-lieu de création et de production audiovisuelle de Saint-Adrien n’existerait pas. D’ailleurs, où en serait le village ?
Plutôt que de se demander à quoi sert la culture, peut-être devrions nous retourner la question et imaginer ce que deviendrait une société sans culture…
Vous venez de lire un article de l’édition du 15 avril 2025.