Quand j’étais jeune, je vivais en Outaouais avec ma mère. Comme elle n’était plus capable de gérer trois enfants, elle a demandé à mon père de venir me chercher. Il est parti d’Anticosti et a fait le voyage en autobus. C’est comme ça que je l’ai connu. Avant d’arriver dans sa vie, il était gardien de phare à Pointe-Ouest.
À Anticosti, il y avait beaucoup plus de garçons que de filles. Je me tenais plus avec les garçons, à part avec ma cousine. Je me prenais pour Rambo dans le bois, on faisait des cabanes, du trois-roues. C’était vraiment excitant, on se baladait partout dans les petits chemins. Les filles et leur club de coccinelles ne m’aimaient pas beaucoup. J’ai quand même fini par me faire une amie dans ce petit milieu. On allait souvent à son chalet, c’était vraiment l’fun, la nature et la convivialité du lieu. On se baignait beaucoup, mais sur les rives il y avait pas mal de bibittes.
Parfois, la fin de semaine, la mère d’une des filles proposait à mon père de me garder pour qu’il puisse faire des choses avec ses amis. Moi et la fille, on ne s’entendait pas trop. Elle était trop fi-fille. Elle me montrait ses jouets et je restais sur le bord du lit, les jambes croisées. On a fini par s’entendre, plus tard. On se ressemblait finalement. De drôles de souvenirs de mon enfance sur cette île méconnue.
Adolescente, on se réunissait en gang dans de beaux sites naturels de l’île. On faisait des feux, on chantait et on jouait de la guitare. Les jeunes de Port-Menier boivent beaucoup, en général. Du moins, dans mon temps. J’ai commencé jeune et je n’avais pas tout le temps le droit de veiller tard dehors. À part ça, on jouait aux cartes, on écoutait Super Écran. On se tenait au lac Plantain, on nettoyait les forêts du territoire et en hiver on faisait beaucoup de motoneige.
L’île d’Anticosti est un endroit fabuleux encore vierge de traces humaines. Ça vaut le détour pour voir la mer majestueuse et ses sites paradisiaques. Quand j’y vivais, je méditais souvent avec le bruit des vagues. Les chutes, les grands canyons dans la roche calcaire.
Port-Menier ne sera jamais plus grand que ça. La population se renouvelle un peu, mais ça reste un petit village de 300 personnes. Tout le monde se connaît. Pas loin, ce sont d’immenses réserves fauniques. Les chevreuils y sont par millions. Ils n’ont pas de prédateurs.
C’est calme, serein, loin des villes et de la pollution. Mais la vie insulaire n’est pas toujours évidente. C’est beau, mais j’aime trop être citadine pour retourner y vivre.
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