On entend souvent dire que la plupart des gens sont indifférents face aux personnes en situation d’itinérance et de grande précarité. Personnellement, je ne le crois pas. Je pense que, face à une personne qui dort dans l’espace public ou qui est complètement gelée, c’est plutôt de l’impuissance et de la peur que ressentent les passants.
Là où sont situés les locaux de L’Itinéraire, nous côtoyons de plus en plus de sans-abri, de personnes fortement intoxiquées et droguées au point de ressembler à des zombies qui ont perdu toute maîtrise de leur corps.
Il m’arrive même d’aller jusqu’à taper sur l’épaule d’une personne complètement inanimée sur un banc en béton pour m’assurer qu’elle n’est pas morte.
Il est vrai que beaucoup de gens passent devant des personnes en détresse sans s’arrêter, mais j’ose espérer que ce n’est pas parce qu’ils s’en foutent, mais parce qu’ils ne savent pas quoi faire. D’autres personnes vont intervenir indirectement en appelant les secours. C’est ce qui est arrivé il y a trois semaines. Ce jour-là, une quinzaine d’appels ont été logés au 911.
C’était un jour de canicule où la chaleur et l’humidité faisaient des ravages parmi les gens de la rue. Un des habitués du dessous du pont Jacques-Cartier a traversé la rue De Lorimier en courant pour venir demander à L’Itinéraire de la naloxone* en toute urgence. Nos intervenants l’ont suivi sous le pont où ils ont trouvé deux personnes en situation d’overdose. Ne faisant ni une ni deux, ils leur ont administré l’antidote aux surdoses d’opioïdes, de plus en plus coupés avec du fentanyl et autres cochonneries. C’est alors que le gars qui avait demandé l’aide de L’Itinéraire s’est écroulé à son tour. Une méchante batch de dope, qui a fait deux autres victimes un peu plus loin et que des citoyens ont signalées au 911.
Samuel Savoie était parmi les intervenants sur place ce jour-là. Il raconte : « Non, moi non plus, je ne crois pas que les gens sont indifférents, ils ont peur. Moi-même, avec 10 ans de métier, j’ai des craintes devant des personnes qui sont imprévisibles. Et tant mieux. Il faut faire preuve de prudence. Mais j’aime ça être dans l’action, faire une différence dans la vie du monde… »
Samuel et ses collègues intervenants psychosociaux Alex, Vincent, Maude et Béatrice font tous les jours la différence dans la vie des gens de la rue. Notamment par le biais du Programme AIR de L’Itinéraire, l’une des nombreuses initiatives de notre organisme. Découvrez-les dans le bilan de nos activités que nous vous présentons dans nos pages.
* Au Québec, la naloxone est disponible gratuitement et sans ordonnance dans toutes les pharmacies et dans certains établissements de santé. (sante.gouv.qc.ca)
Vous venez de lire un extrait de l’édition du 15 août 2024. Pour lire l’édition intégrale, procurez-vous le numéro de L’Itinéraire auprès de votre camelot ou abonnez-vous au magazine numérique.