Une cinquantaine de dollars par année par citoyen, c’est tout ce qu’il faut pour enrayer le problème de l’itinérance, selon le rapport sur l’État de l’itinérance au Canada 2016, publié en octobre par l’Observatoire canadien de l’itinérance.

« La bonne nouvelle est que nous savons ce qu’il faut faire pour résoudre le problème de l’itinérance, et nous y parviendrons grâce à un investissement ciblé dans les logements abordables, une planification communautaire des systèmes, Housing First (Logement d’abord), la prévention et le leadership fédéral, affirme Stephen Gaetz, le directeur de l’Observatoire canadien sur l’itinérance, par voie de communiqué. Qui plus est, nous savons aussi qu’il sera bien moins coûteux de résoudre le problème de l’itinérance que de l’ignorer. »

L’itinérance telle qu’on la connaît actuellement au Canada est principalement due à l’atrophie de l’investissement fédéral dans les logements qui a commencé dans les années 1980. Tandis que l’itinérance au Canada a augmenté, le visage de l’itinérance a également changé. Ce qui fut d’abord un phénomène qui touchait principalement les hommes célibataires plus âgés, comprend désormais des femmes (27 % de la population des sans-abri), des personnes âgées (24,4 % des utilisateurs des refuges) et des jeunes (18 % de la population des sans-abri). Les Autochtones représentent entre 27 % et 33 % des utilisateurs des refuges et sont dix fois plus susceptibles d’utiliser les refuges d’urgence, mais ne représentent que 4,3 % de la population canadienne.

Le rapport recommande un investissement de 4,5 milliards de dollars en 2017-2018 ou 43,8 milliards sur une période de 10 ans, ce qui représenterait une augmentation annuelle de 1,8 milliards de dollars comparativement à ce que le gouvernement fédéral prévoit de dépenser pour les logements abordables en 2017-2018. Cela ne représente que 50 $ additionnels par Canadien par an, ou moins d’un dollar par semaine, pour prévenir et mettre fin à l’itinérance au Canada. Il est important de souligner qu’actuellement, l’itinérance coûte au-delà de 7 milliards de dollars par an à l’économie canadienne.

« C’est formidable de savoir que le Canada ré-adopte une Stratégie nationale sur le logement, soutient Stephen Gaetz. Il s’agit d’une occasion de corriger plus de 25 années de financement inadéquat qui ont mené à notre crise actuelle de logements abordables. C’est aussi une occasion d’éliminer l’itinérance au Canada une fois pour toute. »

« Nous devons agir sans attendre, car pour certaines personnes, ne pas avoir un logement peut être une question de vie ou de mort u2212 soit les personnes qui vivent l’itinérance ou celles qui sont à risque d’itinérance », s’inquiète Tim Richter, le président de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance.

Le fondateur du programme Housing First (Logement d’abord) et psychologue gréco-canado-américain Sam Tsemberis, en entrevue à L’Actualité, croit pour sa part qu’il faut s’attarder au problème de l’itinérance car il croise de toute évidence celui de la maladie mentale. « Fournir un appartement à un itinérant ayant une maladie mentale ou une dépendance et lui assurer un suivi médical et social à domicile coûte moins cher à la société que de l’hospitaliser ou de le mettre en prison », assure-t-il.

Les chiffres de l’itinérance au Canada

35 000 Canadiens sont sans abri durant toute une nuit et 235 000 Canadiens vivent l’itinérance à un moment donné chaque année.

100 000. Au cours des 20 dernières années, la population du Canada a augmenté de plus de 30 %, mais le financement fédéral dans les logements abordables a baissé de plus de 46 %. Cela signifie qu’au moins 100 000 logements abordables n’ont pas été construits.

1,5 M. Aujourd’hui, 1,5 million de ménages canadiens éprouvent un besoin impérieux en matière de logement, et plus de la moitié de ces ménages éprouvent un grand besoin en matière de logement extrême (vivant dans la pauvreté et dépensant plus de 50 % de leur revenu au logement).

Refuges. Au cours des dix dernières années, il y a eu une diminution constante du nombre de Canadiens qui utilisent les refuges.

20 000. D’ailleurs, 2014 comptait une réduction de près de 20 000 utilisateurs des refuges d’urgence par rapport à 2005. Bien qu’il y ait moins d’utilisateurs des refuges, ceux qui les utilisent restent plus longtemps.

10%. Le taux national d’occupation des refuges (qui dénote à quel point ils sont remplis) a augmenté de plus de 10 % entre 2005 et 2014.

10 jours. La plupart des séjours dans les refuges sont courts pour les jeunes et les adultes y demeurent pendant une moyenne de 10 jours. Par contre, pour les personnes âgées (50 ans et plus), la moyenne du séjour est deux fois plus longue.

SOURCES

Observatoire canadien sur l’itinérance

État de l’itinérance au Canada 2016